Nous retrouver. Les p’tites beautés de l’élysée.

Hier soir après l'avoir moqué sur les médias que l'on dit sociaux, Cyril Hanouna appelait donc Jean-Michel Blanquer au téléphone, en plein direct pendant son émission, pour "trouver une solution" au problème du Bac. Le plus étonnant fut que Jean-Michel Blanquer décrocha et répondit. Oh … pas grand-chose. Mais que "tout était ouvert". Le même Hanouna que Marlène Schiappa voyait bien en animateur du débat présidentiel. La même Marlène Schiappa dont on ne compte plus les apparitions et invitations sur le même plateau du même Cyril Hanouna. 

Hier ou avant-hier peut-être, et à grands renforts de photos de stock aussi moisies que mal-choisies, c'est l'Elysée qui publiait un spot de pub pour la pandémie. Oui bien sûr je suis taquin, ce n'était pas un spot de pub "pour la pandémie", mais "pour le déconfinement" prochain (s'il a lieu). Mais un spot de pub quand même. Spot de pub ou comme le pointait si justement Cheick Evara sur Twitter

"fantasme cynique d'un retour à la normale et aux loisirs, sans morts, sans malades, sans précaires, sans soignants à bout de souffle, profs exténués, familles à la rue."

Le même compte Elyséen qui il y a peu de temps encore, souvenez-vous, ouvrait libre antenne publicitaire à Deliveroo et quelques autres multinationales cumulant exil fiscal et piétinement du droit du travail. Le même, encore, qui dès les 100 premiers jours de son élection jugeait urgent de déposer la marque "Elysée – Présidence de la république" pour s'assurer la vente d'abolis bibelots d'inanité sonore et autres attractions de la grand' foire républicaine. 

Et donc aujourd'hui, enfin demain, enfin peut-être, enfin en vrai on n'en sait rien : "Nous retrouver".

Capture d’écran 2021-05-04 à 14.07.57Extrait de cette formidable pub pandémie postée sur le compte officiel d'Emmanuel Macron,
"Nous retrouver" dans les stades le 30 Juin 2021 avec des fumigènes qui sont
théoriquement interdits depuis la loi Alliot-Marie de … 1993.
Mais bon, on n'est plus à un détail près hein. 

De toute éternité (puisque le temps semble étonnamment long depuis sa nomination comme porte-parole du gouvernement) Gabriel Attal publie des infos étatiques et parfois extatiques en "exclu" dans ses stories Instagram et se fait joie d'aller débattre misère étudiante avec autant d'influenceurs qui ont la double compétence, c'est notable, de n'être ni miséreux ni étudiants. 

Ce matin je découvrais assez ahuri l'existence à l'adresse "elysee.fr/cocorico" (mais oui mais oui) l'existence de la lettre d'information de l'Elysée, baptisée donc "Cocorico", et supposée être la pourvoyeuse de bonnes nouvelles, Success Stories et autres Role Models tant attendu.e.s par … on ne sait pas trop qui. Car, nous explique-t-on, il est temps de dessiner un horizon désirable (de lapin) et de sortir de la morosité ambiante et du France Bashing.

Cette newsletter est, à y regarder de près, un étrange et improbable mélange de publicités pour des mesures gouvernementales agrémentées d'un florilège de news Topito et autres infos Konbini, le tout listé sans talent ni goût – ni cohérence éditoriale d'ailleurs – dans une sorte de Newsletter statique et déjà poussiéreuse. Mais comme il est écrit en clausule de ladite "Lettre d'info Cocorico 2" datée d'Avril 2021 : 

"Ce serait dommage de ne pas partager autant de bonnes nouvelles.

Bah oui gros. 

Capture d’écran 2021-05-04 à 12.18.03

Moralité.

La capacité d'auto-fellation de chacun d'entre nous n'étant limitée que par le choix de se briser certaines vertèbres dorsales et cervicales, on pourra dira ce qu'on voudra du droit de l'Elysée à s'auto-congratuler par tous les moyens possibles, y compris par le truchement d'une newsletter qui est en termes de contenu et de pertinence aussi proche du vide que possible.

On pensera également ce que l'on voudra de la nécessité impérieuse ou du réflexe Pavlovien qu'ont les membres du gouvernement de répondre aux injonctions beuglantes d'un animateur vedette de la galaxie de l'infâme Bolloré, notre Steve Bannon bretonnant à nous.

On verra bien ce qu'on voudra voir dans la confusion des genres et des sentiments qui permettent à un porte-parolat se drapant dans la dignité de l'écoute de l'opinion de revêtir à sa guise les habits de carnaval du marketing d'influence le plus tape à l'oeil.

Reste l'obstination des faits. Alors que la stratégie vaccinale est toujours pour le moins soumise à un régime d'aléatoire qui continue de friser souvent avec la défaillance, l'élément de langage du "plateau haut" désigne dans leur novlangue une réalité dans laquelle chaque jour dans la 6ème puissance économique mondiale toujours près de 300 personnes continuent de mourir d'une saloperie de virus pour lequel on dispose (théoriquement) d'un vaccin et viennent s'ajouter au déjà plus de 100 000 morts de cette pandémie en France.

Dans ce contexte, et à un an d'élections présidentielles dont le seul suspens consiste à déterminer si elles seront plutôt un Hiroshima de résignation ou un Nagasaki de Trumpisme à la[ction] française, se transformer un Chief Happiness Officer de la Start-Up Nation via une newsletter si confidentielle ou incidentelle soit-elle, et balancer des clips promotionnels d'un agenda de déconfinement toujours décrit comme a minima très incertain par une bonne partie du monde et du personnel médical et alors même que 300 personnes meurent du Covid à l'hôpital chaque jour, est une faute.

Une faute politique et cynique dont on aimerait pouvoir croire qu'elle n'est que de (mauvais) goût, mais pour laquelle il est extrêmement difficile de masquer notre profond dégoût. 

Une faute qui est aussi un stigmate pesant nous ramenant à l'état de nos sociétés et surtout des discours politiques qui prétendent en rendre compte ou en saisir l'irréductible essence. Le stigmate d'une technocratie qui est désormais au point d'équilibre – ou de rupture ? – exact entre le script d'Idiocracy défilant tous les jours en continu sur CNews et la programmatique Happycratie si brillamment décrite par Eva Illouz et Edgard Cabanas. Technocratie qui, et c'est bien cela notre souci, semble avoir fait de ce point d'équilibre, une politique toute entière. 

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