#Euro2016 : du Twitter des nations au Facebook des morpions.

Immergé que je suis dans les différents fils d'actus de mes différents réseaux sociaux, je suis, lors de chaque "moment attentionnel" planétaire (ou quasi), toujours assez fasciné d'observer les "motifs" (patterns), la "forme" que prennent les différents fils "d'actualité" au gré, paradoxalement, de non-actualités.

Donc l'Euro de foot 2016. De quoi parlent les médias ? Bon ben de bière et de Foot. #Logique

Pendant ce temps sur #LéRézoSocio

Pendant ce temps sur les réseaux sociaux, deux vidéos atteignent déjà d'étonnants pics de viralité. Il s'agit de l'entraîneur de l'équipe d'Allemagne qui … heu … comment … ben qui fait ça quoi :

Low

Et du geste de ce joueur Turc pris en flagrant délit de recoiffage au moment où il était plutôt supposé empêcher le joueur Croate de tirer – victorieusement – au but.

D'après ce que j'ai pu voir (mais j'avoue n'avoir pas pris le temps de vraiment vérifier), ces 2 "moments" ont d'abord été repérés par des internautes avant de commencer à être repris par certains médias (BFM notamment). Bien sûr la bulle de filtre étant ce qu'elle est (= différente pour chacun d'entre nous), peut-être vous avaient-elles échappé, ce qui, convenez-en, eut été dommage.

L'anecdote comme antidote ?

Si elles me semblent intéressantes c'est parce qu'elles illustrent très bien ce qui est – à mon avis – une des caractéristiques observables des médias sociaux à l'heure de temps forts médiatiques, c'est à dire la capacité – et le goût – de se reporter et de se focaliser sur l'anecdotique, et le régime de concurrence attentionnelle qui s'exerce alors entre ces anecdotes (et leur scénarisation visuelle faite de la redondance du gif animé qui tourne en boucle) et la couverture médiatique classique (qui tourne elle aussi en boucle mais pour d'autres raisons et d'autres économies attentionnelles).

Pour le dire autrement, le régime de l'anecdote constitutif d'un storytelling officieux (grattage / recoiffage) opposé au régime du storytelling officiel (bière / foot).

L'anecdote c'est, étymologiquement, ce qui n'est pas publié, ce qui est, d'une certaine manière, "inédit", ce qui se trouve en dehors du champ de la publication. Or ce qui caractérise le web-média c'est qu'il est d'abord un régime de publication, de "rendu public" (cf ce que j'écrivais ici sur l'importance d'enseigner la "publication").

A chaque grande occasion, à chaque temps fort médiatique, les réseaux sociaux mettent en place leurs propres régimes anecdotiques comme autant d'espaces méta-discursifs. Qu'il s'agisse de la disparition de migrants, des derniers épisodes de crues, ou bien encore donc, de l'Euro de Football.

Ces régimes anecdotiques fonctionnement principalement sur une instrumentation de visuels, tantôt surexposés, tantôt à l'inverse dissimulés, mais qui à chaque fois nous renseignent de manière utile, autant sur les régimes d'interaction propres à chaque plateforme que sur les espaces discursifs privilégiés par des logiques communautaires elles-mêmes à chaque fois variables au sein d'un "grand récit" médiatique dont il s'agit souvent initialement de s'abstraire (soit pour en dénoncer les manquements soit pour en souligner la répétition et l'absence de diversité éditoriale) ou de "recadrer" pour – parfois – mieux s'y retrouver.

Le Twitter des nations et le Facebook des morpions.

Ainsi, d'aussi loin que je puisse en juger derrière ma bulle attentionnelle, la vidéo de l'entraîneur de l'Allemagne est surtout visible sur mon mur Facebook alors que l'opération recoiffage du joueur Turc tourne plutôt du côté de mon mur Twitter.

D'un côté comme de l'autre c'est dans "ma" communauté (d'amis Facebook et de followers Twitter) que se trouve la raison de cette différence de régime attentionnel, au moins autant que dans la "nature" des actes que permettent de figer ces deux anecdotes visuelles.

La polémique du joueur Turc se recoiffant est de nature plutôt "nationaliste" dans le sens ou c'est d'abord la communauté Turque qui l'a relevée et révélée et que sa viralité vient non pas de son côté "humoristique" mais bien du fait qu'une nation a ainsi perdue sa bataille contre une autre nation à cause d'un homme se recoiffant au lieu d'accomplir son devoir de soldat joueur. Or la pregnance de l'appartenance communautaire est plus forte sur Twitter que sur Facebook, notamment parce qu'il – Twitter – repose davantage que le second sur des régimes d'affiliation réellement affinitaires. Pour le dire plus simplement (et plus caricaturalement aussi), sur Twitter on suit les gens qu'on a envie de suivre, alors que sur Facebook "il faut" être "ami" avec le maximum de monde possible. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'essentiel des polémiques communautaires, racistes, anti-sémites, et en mode "hater" émergent et se développent d'abord sur cette plateforme.

A l'inverse, la vidéo de l'entraîneur Allemand mobilise un ressort comique disons … plus universel. Et à ce titre se prête parfaitement aux codes de viralité qui, s'ils sont également présents sur Twitter, sont en revanche plus systématiquement visibles sur Facebook parce que davantage concensuels au sein d'un écosystème qui abhorre la friction et a fait de la recherche dudit concensus humoristico-ludique l'axe principal de sa feuille de route attentionnelle.

Publication compulsive : une chance au grattage, une chance au (re)coiffage.

Le (seul) point commun entre ces deux gestes est qu'ils relèvent tous deux d'une logique compulsive. Logique à laquelle leur propre scénarisation (montage du gif "en boucle") vient ajouter une nouvelle dimension qui pousse à leur large rediffusion / partage compulsif(s). Une sorte de double injonction au "partage" qui joue parfaitement son rôle d'exutoire conversationnel autant qu'elle instruit et nourrit en parallèle notre appétence naturelle pour les publications … impulsives.

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