Fomo ? Wywa ! Yolo …

FOMO. Acronyme de Fear Of Missing Out. "Peur de manquer quelque chose". Identifiée comme l'une des toutes premières causes de nos "addictions" numériques et de notre connexion permanente (à moins naturellement que notre connexion permanente ne soit elle-même la cause de notre peur de manquer quelque chose …).

WYWA. Acronyme de While You Were Away. "Pendant que vous n'étiez pas là". Dernière fonctionnalité de Twitter lancée le 21 Janvier (hier) et désignant le fait que l'algorithme de Twitter va "automatiquement" afficher dans votre fil d'info, les informations que vous avez manquées et qu'il – l'algorithme – jugera importantes en se basant sur les critères suivants : "engagement and other factors (sic)".

YOLO. Acronyme de "You Only Live Once" ("on ne vit qu'une fois"). Version moderne du "carpe diem" (23 av. JC) et du "cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie" (1578).

3 acronymes, 3 modalités de notre rapport au numérique, 3 formes, 3 grandes familles d'algorithmies.

Les algorithmes du FOMO.

Les algorithmes du Recall. Du rappel. Du "taux de rappel" comme précision. Mais également du rappel "mémoriel" comme totalité. Total Recall. Ces algorithmes sont ceux du "Publish or Perish". Publier ou mourir. Publier pour être vu. Être vu pour exister. Le pari algorithmique qui fonde l'économie de l'attention. Dans une société de la requête. Des algorithmes de l'ingestion : avaler le maximum de contenus possibles.

Les algorithmes du WYWA.

Les algorithmes de la notification. Dont vous trouverez le descriptif dans ce billet. Des algorithmes du "Wait and See". Ce qui importe n'est pas ce que nous publions, mais ce que nous regardons, la manière de nous ramener sans cesse vers des entraves attentionnelles aliénantes, entêtantes. L'important est – pour les algorithmes de cette "famille" – de détecter non pas ce que nous aimerions voir, mais ce qu'ils aimeraient que nous aimerions voir, c'est à dire les contenus les plus "monétisables", les plus "viraux", ceux qui jouent le plus sur une palette émotionnelle instinctive. Dans une société où il n'y a plus que des réponses, comme ne cesse d'en attester le "clickbait" des titres les plus partagés sur les réseaux sociaux. Des algorithmes de la digestion, du "digest".

Les algorithmes du YOLO.

Ceux du web improprement appelé "éphémère" (cf le 2nd Post-Scriptum de ce billet). Parce que l'on ne vit qu'une fois, "You Only Live Once" mais que l'on ne regarde aussi qu'une fois, avant de passer à autre chose "You Only LOOK Once". Parce qu'il suffit que nous n'aimions qu'une seule fois : "You Only LIKE Once". Cette troisième famille d'algorithmes prépare l'internet des objets de demain et les interactions qui l'accompagneront. Après avoir, à notre place, décidé du nouvel ordre documentaire du monde (FOMO), après avoir, toujours à notre place, décidé de ce qui valait la peine d'être vu tant que cela contribuait précisément à maintenir le nouvel ordre documentaire établi (WYWA), il s'agit de nous donner l'impression que certaines interactions peuvent être éphémères (alors que la nature de toute interaction numérique est d'être enregistrée, engrammée pour un temps assez long), et ce afin d'une nouvelle fois nous installer dans un confort cognitif fait de la libération de toute charge (cognitive). Entretenir le coût cognitif zéro, le coût cognitif nul des plus essentielles comme des plus inessentielles de nos interactions.

Prélude à l'internet des objets donc. Car au-delà des enjeux techniques et des principaux secteurs concernés (santé et assurance), c'est de la facilitation de l'acceptation d'une nouvelle norme sociale qu'il s'agit. D'une redistribution complète des charges et des priorités mémorielles : il n'y aura pas de débat sur le fait qu'il est impératif et non-négociable que notre cafetière connectée se souvienne du dosage de notre café, de l'heure à laquelle nous le prenons, et du nombre de sucres qui va avec. L'internet des objets est/sera avant tout une forme de légitimation du droit des algorithmes à assumer des charges mémorielles quotidiennes. Or ces charges et les usages en découlant dépassent de très loin les procédures "habituelles" d'externalisation de nos mémoires documentaires (comme par exemple le stockage de numéros de téléphone que nous sommes ravis d'oublier pour les confier aux répertoires de nos smartphones).

Après avoir renversé la charge de la preuve dans les sphères documentaires, sociales et personnelles et mémorielles, il s'agit désormais de renverser le poids de la charge cognitive : "You Only Look Once", mais aussi "You Only Like Once", avec légèreté, avec un coût cognitif quasi-nul, et c'est au back-office numérique, du moteur de recherche à la cafetière connectée en passant par l'application installée sur votre smartphone, d'assumer l'entièreté des opérations nécessaires à l'établissement des interactions visées par le biais d'une forme de cognition "calculable".

FOMOWYWAYOLO : la peur de manquer quelque chose alors qu'on n'est pas là et qu'on ne vit qu'une fois.

Naturellement il n'y a pas d'un côté des algorithmes qui entretiennent notre peur de manquer quelque chose par une indexation gargantuesque, d'un autre côté d'autres algorithmes qui lisent notre place et nous suggèrent des informations choisies uniquement en fonction de leur potentiel viral ou de leur capacité à renforcer nos propres croyances et nos propres "bulles attentionnelles", et au milieu une troisième catégorie qui nous permettrait "d'éphémériser" notre rapport à l'information et aux autres. Tout algorithme comporte, de manière croisée, ces 3 aspects, qu'il priorise différemment et qu'il module en permanence pour se maintenir dans une logique attentionnelle à l'équilibre, homéostasique.

Il existe cependant 2 points communs à cet ensemble. Une baisse de notre seuil de vigilance à certains facteurs, cumulée à une hausse de notre seuil de tolérance à d'autres facteurs. Facteurs que voici 🙂

  • Baisse de notre seuil de vigilance lié à l'activité de publication et hausse de notre seuil de tolérance à l'indexation.

Baisse du seuil de vigilance. A force de mises à jour du PageRank, à force de critériologies absconces y compris pour ceux dont le référencement (SEO) est supposé être le métier, à force de logiques de personnalisation des résultats nous privant de toute échelle de comparaison objectivable, nous avons désappris et même le plus souvent renoncé à contrôler le niveau de visibilité de nos publications. Dans le même temps, nous avons accepté, sans d'ailleurs avoir le plus souvent le choix, que la totalité de nos publications, de nos statuts, de nos comportements, de nos actions, soient massivement collectés et indexés. Hausse du seuil de tolérance.

  • Baisse de notre seuil de vigilance lié à l'activité de consultation et hausse de notre seuil de tolérance à des formes d'accumulation, de sédimentation.

Nous avons pris l'habitude d'être assis devant notre mur ("wall") ou notre "fil d'infos", à regarder s'agglutiner et s'empiler des contenus choisis par d'autres. Nous avons pour l'essentiel renoncé à la part "active" de la consultation, c'est à dire celle qui nécessite l'amorçage d'une requête. Cette baisse de vigilance entraîne presque mécaniquement une acceptation, une tolérance plus grande aux effets d'empilement de toutes sortes, à cette concaténation de "news" dont l'incessant défilement nous berce ; nous berce surtout de l'illusion de participer à une conversation quand il n'est question de d'optimiser le taux de conversion desdits affichages.

  • Baisse de notre seuil de vigilance lié à l'activité d'interaction et hausse de notre seuil de tolérance à la surveillance / sous-veillance.

Du "quantified-self" aux objets connectés, de l'internet des objets à celui de l'omniprésence des capteurs y compris au plus près de notre corps (world wide wear), nous interagissons en permanence. Et l'interaction "active" que nous avons perdu avec les "contenus" (le like a bel et bien tué le lien) au profit de la contemplation passive d'un défilement sur lequel nous n'avons presque plus aucune prise, cette interaction "active" se déporte temporairement du côté des objets et capteurs qui nous équipent. Pour l'instant, c'est encore nous qui "déclenchons" le processus interactionnel. Mais la logique, les logiques interactionnelles, commencent déjà à s'inverser et à faire la part belle à de nouvelles passivités. Il y a fort à parier qu'à l'instar des contenus et des parcours de "navigation" que nous ne choisissons plus, nous ne choisirons plus demain l'essentiel de la fréquence et de la nature des interactions qui nous lieront encore au monde.

On résume ?

Voilà. 🙂

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