Lettre à l’Inist : des baffes et du buzz.

Voilà donc une semaine qu'est partie la missive en forme de missile sur les autoroutes de l'information, une semaine d'existence pour ma "Lettre à l'Inist".

Plusieurs sites "média" l'ont pour l'instant reprise (dans l'ordre chronologique de parution) : Rue89 qui m'a sollicité pour republier la lettre sur leur site culture en retitrant mon billet, Actualitte puis Le Figaro dont les journalistes m'ont contacté pour une interview. D'autres devraient suivre (en tout cas je les y invite 😉

En images.

Rue89-inist
Sur Rue89 Culture

Rue89-cnrs-inist

A la "Une" de Rue89

Actualitte
Sur le site Actualitté

Figaro
Sur le site Le Figaro.

Quels enseignements sur la forme ?

Des baffes.

Celles que récolte à pleines brassées le CNRS / INIST / REFDOC. Dommage. D'autant qu'en choisissant de ne pas répondre à chaud – au moins pour dire qu'il répondra plus tard -, il (le CNRS) entretient la confusion avec des composantes (INIST) et des services (REFDOC) qui ne le représentent que très partiellement et très imparfaitement. Ledit CNRS accomplissant par exemple un remarquable travail sur le question du libre accès avec des plateformes comme HAL.

Du buzz.

En terme de visibilité, c'est la première fois que les statistiques de fréquentation de mon blog explosent de la sorte, c'est à dire en dépassant le seuil de 2000 pages vues / jour sur 5 jours consécutifs (avec des pointes à 3900 vues le lendemain de la publication du billet original et avant donc la reprise par Rue89). Même lorsque j'avais dit beaucoup de mal de Christophe Barbier, de Luc Chatel, ou que je m'étais auto-dénoncé auprès de mes autorités de tutelle, jamais je n'avais atteint ces taux stratosphériques de consultation, jamais non plus lesdits taux ne s'étaient maintenus sur une si "longue" durée (toute proportions gardées, hein, je ne me fais pas non plus d'illusion sur le fait que je ne m'appelle pas Maître Eolas ;-).

La consultation des backlinks indique très clairement que le billet circule énormément dans les boîtes aux lettres électroniques universitaires.

D'aussi loin que je puisse en juger, une semaine après mon article, il ne doit pas rester beaucoup de chercheurs, d'universitaires et de bibliothécaires en France qui soient encore ignorants des pratiques de l'Inist sur RefDoc. Et je confesse aisément en être fort aise.

Mékeskidi.

Jamais facile de communiquer auprès du "grand public" sur des thématiques radicalement différentes mais pour partie liées (le marché de la publication d'une part et l'open access d'autre part).

Rue89 a fait le choix de ne pas rééditorialiser en reprenant tel quel mon billet au prix d'un simple re-titrage et sans aucun travail d'enquête journalistique supplémentaire. Du coup, le billet certes destiné à tout le monde mais republié loin de son public captif (le lectorat d'affordance) génère un flot de commentaires de riverains qui, tout en soutenant globalement notre indignation, se perdent aussi un peu dans les méandres des différences entre Open Access et modèle économique du marché de la publication scientifique (confusion il est vrai entretenue par l'entame de ma tribune). Pour Rue89 je n'ai été en contact qu'avec une personne et nous n'avons parlé que "d'exposition" et de "visibilité" mais pas du fond de l'article ni de l'affaire.

Actualitte et Le Figaro m'ont de leur côté interviewé. Actualitte a pourtant au final été le seul à faire le job en tentant d'apporter le point de vue contradictoire du CNRS, même si ledit point de vue s'est réduit à un assourdissant "no comment".

L'approche choisie par Le Figaro pose d'autres problèmes : le choix d'angler le papier sur la question de l'open access au Royaume-Uni en présentant, a contrario, l'affaire de l'Inist, aurait pu être intéressant pour autant que la journaliste ait bien de son côté saisie toutes les subtilités dudit débat. Comme ce n'est pas le cas, elle reproduit des bribes de notre échange qui sont en décalage complet avec ce que je lui expliquais. J'aurai bien déposé une demande de rectification sur le site du Figaro mais comme il faut pour cela y disposer d'un compte et comme je n'ai pas que ça à faire, je reproduis ici le commentaire :

"Bonjour, quand je vous ai indiqué par téléphone que "Pour le moment on ne demande pas que tous les articles soient gratuits car il y a encore le cas complexe de ceux publiés dans les revues payantes" je parlais non pas des archives ouvertes en général, qui n'ont rien à voir avec le fait que les revues soient payante ou non, mais du service REFDOC de l'INIST qui facture au prix fort aussi bien des articles déposés en archive ouverte et disponibles gratuitement que des articles disponibles sous forme payante auprès des éditeurs de revues. Le second point, même s'il pose effectivement la question de l'accès gratuit à la recherche financée sur fonds publics, n'est pas particulièrement gênant – pour autant que cela ait été négocié de manière contractuelle entre le CNRS et lesdits éditeurs. En revanche c'est scandaleux et illégal pour les articles en archive ouverte. Merci d'opérer si possible une rectification ou un éclaircissement."

Quels enseignements sur le fond ?

Adhésion

Sur le fond, énormément de collègues (chercheurs, bibliothécaires) qui me contactent pour me signaler leur ahurissement et leur colère. Vous trouverez en échantillon de cet ahurissemment dans les commentaires du billet sur le blog. L'essentiel d'entre eux n'était tout simplement pas au courant de ces pratiques, pas davantage qu'ils ne l'étaient de l'existence du service RefDoc. Soit l'illustration parfaite de la sagesse populaire qui veut que l'on s'enrichisse toujours plus vite et plus facilement sur le dos de l'ignorance.

Sur Rue89 les réactions à l'article (commentaires des riverains) sont globalement positifs même si on oscille en permanence avec un débat sur l'Open Access (ce qui n'est pas du tout l'objet de ma lettre à l'Inist, même si elle démarre effectivement sur un plaidoyer pour l'open access – ceci expliquant  d'ailleurs probablement cela) renvoyant au point développé ci-dessus sur la difficulté de communiquer vers le  "grand public".

Pas d'enquête

J'ai en revanche été stupéfait qu'à l'exception notable d'Antoine Oury sur Actualitte, ni Rue89 ni Le Figaro n'aient jugé utile de contacter le CNRS pour recueillir son avis sur le sujet, ou, s'ils l'ont fait, qu'ils ne jugent pas utile de le rapporter dans leur article ou en complément à celui-ci.

Stratégie Monsanto ?

Le CNRS a donc promis à Antoine Oury une réponse pour la semaine prochaine … Nous verrons. Toutes proportions gardées et à l'image de Monsanto face à l'étude du professeur Séralini sur les OGM, dans une communication de crise, les 3 conseils classiques à donner à l'organisme attaqué sont les suivants :

  • primo, stratégie de l'évitement, c'est à dire ne jamais répondre à chaud en son nom propre (pas de communiqué de presse ni communiqué officiel sur le site du CNRS, pas de réaction non plus dans les médias).
  • deuxio, décrédibiliser – si possible – l'attaque ou sa source.
  • tertio : rendre le débat inaudible et opaque.

Pour l'instant, le CNRS et l'INIST jouent admirablement la phase 1 🙂 Il existe peu de chances qu'ils puissent s'engager dans la phase 2. Non pas parce que 'je" suis super crédible – enfin si, hein, je suis super crédible – mais parce que depuis une semaine ma boîte mail regorge de témoignages écrits et signés de gens qui ont vérifié et expérimenté toute la crédibilité de cette histoire. Et, sauf à faire machine arrière dans la semaine qui s'annonce – ce qui serait de loin le plus raisonnable et le plus efficace – par exemple en cessant sine die de vendre des articles en accès libre et en pointant vers les sites où ces derniers sont téléchargeables et en référençant de nouveau des journaux "exclus" parce qu'ayant refusés de se soumettre à cette forme d'exploitation, sauf à faire machine arrière donc, il est en revanche probable que le CNRS et l'INIST jouent la carte de l'opacité du débat ou tentent de le rendre inaudible, sur l'un des trois modes suivants : 

  • Mode "c'est compliqué" : tergiverser

Houlà ma pauv'dame mais vous vous rendez pas compte, c'est pas si simple que ça, y'a plein d'articles, y'a plein de différents niveaux de droits, cédés ou non par les auteurs, contractualisés ou non entre les auteurs et leur éditeur puis entre l'Inist / CNRS et les éditeurs, et puis en plus c'est pas forcément les mêmes contrats pour les publications papier ou numériques, houlà, c'est compliqué que j'vous dis, faut pas mettre tous les oeufs dans le même vase si on veut pas que l'étincelle soit la porte ouverte à toutes les fenêtres.

  • Mode "on est gentils" : travestir.

Houlà ma pauv'dame, mais vous savez qu'au CNRS on est en fait super gentils rapport à tout ce qu'on fait pour l'accès ouvert sur nos autres plate-formes ? Alors bon oui Ok y'a aussi ce refdoc, mais vous savez ça nous rapporte rien ou si peu, et puis y'a surtout tout le boulot qu'on fait sur nos autres plateformes, et oui, c'est compliqué la science.

  • Mode "et si on parlait d'autre chose" : divertir.

Houlà, ma pauv'dame, vous saviez qu'au CNRS on était pas les derniers pour la déconne ? Tiens, pour se détendre un peu je vais vous raconter comment on a payé à prix d'or grâce aux revenus de Refdoc, une agence de comm. pour refaire notre logo de telle manière qu'en le retournant on y lise le mot "culs".

Le choix du mode "c'est compliqué", s'il devait être fait, serait nonobstant une assez mauvaise idée, puisque notre argumentaire (au collectif d'auteurs prêt à aller si nécessaire jusqu'au procès) est déjà tout prêt. Et que cela ne pourrait que venir renforcer le sentiment d'ahurissement et de colère largement partagé qu'a déjà déclenché cette pratique.

On vous tient naturellement au courant de la suite 🙂

Et si vous découvrez l'affaire et souhaitez grossir les rangs déjà conséquents du collectif en cours de constitution contactez-moi.

<Mise à jour 8 Octobre>

Et le 9 Octobre

</Mise à jour>

2 commentaires pour “Lettre à l’Inist : des baffes et du buzz.

  1. Pour chipoter, vous pourriez proposer vos documents sous format OpenDocument plutôt qu’en format privatif Micromou Office.
    En tout cas, merci, j’ai appris plein de choses.

  2. Voir du côté du fichier .htaccess ? Hors-sujet mais piste possible pour répondre à la question : “qq’un m’explique d’où sortent les // après la racine des sites sous typepad ??? exemple : http://toto.fr//toto.htm ??

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