Biblio-fr s’arrête.

Message envoyé à l'instant sur la plus importante (17770 abonnés) et la plus ancienne (15 ans d'existence) liste de diffusion propre au monde des bibliothèques.
Dans ce monde là, la nouvelle fera grand bruit.
A titre personnel j'étais abonné à Biblio-fr depuis 4 ou 5 ans. Et je ne lisais plus les messages diffusés (me contentant du titre) depuis plus de deux ans, et ce pour les raisons expliquées dans le message ci-dessous.
Il n'en reste pas moins que l'arrêt de biblio-fr est un coup dur. Non pas tant parce que c'était dans biblio-fr que se jouait l'avenir des bibliothèques et que s'y tenaient les plus passionnants débats sur – par exemple – les bouleversements numériques en cours dans les mêmes bibliothèques.
L'arrêt de Biblio-fr est un coup dur parce que biblio-fr était un témoin, un indicateur précieux de la maîtrise (et trop souvent hélas) de la non-maîtrise des enjeux actuels des bibliothèques par ceux qui les peuplent et par ceux qui les font. L'arrêt de Biblio-fr est un coup dur parce qu'un message posté sur Biblio-fr vantant les mérites et les vertus du blog – par exemple – était 1000 fois 17 770 fois plus efficace que n'importe quel congrès ou que n'importe quelle formation, précisément parce que TOUS les bibliothécaires qui n'ont pas de blog sont étaient sur Biblio-fr.
Alors salut Biblio-fr, et merci pour tout. Et puis surtout à bientôt sous d'autres formes, car mon petit doigt me dit qu'un corpus représentant l'archive de 15 ans de messages sur une liste professionnelle est un outil précieux pour toutes celles et ceux qui s'intéressent à la cartographie du web ou à l'ingénierie linguistique (surtout qu'en l'occurence, ce corpus est déjà parfaitement "typé"). Une telle analyse de corpus nous en apprendrait probablement beaucoup sur l'identité professionnelle de ces métiers pendant les 15 dernières années.

Explorer les archives de la liste relève d'ailleurs réellement d'une nouvelle forme d'archéologie numérique. Pour exemple, la première mention de Google sur la liste date du 8 février 1999. On pouvait y lire ceci : 

Date: Sat, 06 Feb 1999 10:47:06 +0100
From: Elisabeth MENER <Elisabeth.Mener@inapg.inra.fr>
Organization: Institut national agronomique Paris-Grignon
Subject: Metatmoteur

Avvec mes excuses pour la double diffusion
Un nouveau metamoteur : Google
http://www.google.com

Issu de Stanford il est passé d'un site .edu à un site .com
Sa rapidité et sa précision : reconnaissance des caractères accentués
etc me paraissent intéressants.
Signalé dans "Le Monde", supplément d'un mercredi de la fin janvier...

Elisabeth Méner

--
correction :
Google est un moteur, pas un meta..
Article du Monde : 28 décembre 1998
Merci

Elisabeth Méner

Que la première liste de discussion sur les bibliothèques devienne une archive à vocation documentaire n'est finalement qu'un aboutissement logique 😉
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Bonsoir à tous,


Ce message aurait dû vous arriver il y a déjà des semaines, peut-être même
des mois. Mais il n'est pas facile d'annoncer la fin d'une expérience quasi
quotidienne, d'une histoire commune, qui a bientôt 16 ans. Alors nous avons
attendu, hésité, repoussé à demainŠ Mais notre décision est prise :


Biblio-fr va s'arrêter.


Pourquoi ?
———–
Biblio-fr n¹est plus une liste de débat, et elle a perdu la flamme qui en
faisait un événement : la construction d'une communauté virtuelle appuyée
sur une communauté réelle, un ensemble de pratiques partagées et de
contradictions assumées collectivement.


Les premiers débatteurs sont partis, ouvrant des blogs. Les bloggeurs sont
arrivés, trouvant dans le canal du mail un équivalent pour la diffusion des
états d'âme. Les rares débats (concours, horaires d¹ouverture, Wifi,
RFID,…) reviennent régulièrement, donnant de plus en plus l'impression de
tourner en rond, et leur ton s¹est modifié à tel point que des lecteurs se
plaignent du ton agressif de certains messages, et des auteurs se plaignent
d'être censurés.


Les messages de service sont devenus majoritaires. Au début les annonces
d'emplois, animations, rencontres, journées d'études, colloques, stages,
formations,… le bouillonnement d'activités des bibliothèques. Ensuite les
messages institutionnels. Les étudiants cherchant de l'aide pour faire
rapidement leurs devoirs. Puis les avis de décès (le jour de la réception du
premier, nous avons gravement hoché la tête, eu une longue discussion et
mesuré le premier changement de statut de la liste). Puis les annonces de
parutions, de marchés publics, les propositions et les recommandations de
spectacles…. Le nombre de ces messages se multipliant avec le nombre
d'abonnés, ils sont devenus envahissants, réduisant l'espace des débats. Les
services étaient à l'origine considérés comme un complément aux enjeux de
débat. Ils sont devenus le centre de biblio-fr. Mais l'initiative privée,
ouverte, est-elle nécessaire pour ce travail ? Et les messages de service
ont-ils leur place dans les boîtes aux lettres de dix-sept mille personnes ?


La modération
—————-
Modérer biblio-fr a été une décision lourde, que nous avons choisi d'assumer
bénévolement (d'abord Hervé seul, puis à deux, puis Sara seule). La
modération a rendu biblio-fr différente d¹autres listes de débat. Elle a
indéniablement permis que cela dure aussi longtemps. Avec le temps,
l'augmentation des messages, et les changements dans les rythmes de vie, la
modération est devenue moins quotidienne, instituant une diffusion par
à-coups. Sans doute moins propice au débat, mais les débats s'étaient faits
rares…


Ces à-coups de la modération entraînent des réactions de ce qu'il faut bien
nommer les « usagers » de biblio-fr. Nous ne les diffusons pas, mais elles
sont néanmoins significatives du changement de statut et d'esprit de la
liste. Tel ou telle qui se demande pourquoi son offre d'emploi n'est pas
passée, qui voudrait avoir une réponse à sa question particulière, qui voit
de la censure quand il n'y a que du débordement de pile…. Pour une large
partie des lecteurs/auteurs de la liste, biblio-fr est un service qui doit
marcher, à l'image d'une institution. Nous ne sommes ni ne serons une
institution.


Biblio-fr est une initiative privée, qui avait du sens quand il fallait
découvrir en même temps le médium, l'art d'écrire sur le mail, et la magie
de l'internet. Durant tout ce temps, les messages, vos messages, ont tiré à
hue et à dia, dessiné le paysage des bibliothèques francophones.
Aujourd'hui, le modèle d'une liste de diffusion est épuisé, c'est sur le
web, dans les blogs, les wikis, les réseaux sociaux que s'inventent les
usages et les réflexions pour demain.


Des alternatives ?
——————–
Il y a quelques mois, nous avions réfléchi, écouté (Bertrand Calenge, « J'en
ai marre de biblio-fr »,
http://bccn.wordpress.com/2008/11/29/jen-ai-marre-de-bibliofr/ – Michel
Fingerhut, « Le temps, vite ; ou de forums, de listes de diffusion et de
blogs », http://blog.le-miklos.eu/?p=670) et pensé transformer biblio-fr,
accompagner la liste d'un site web pour alléger la modération, organiser la
diffusion et simplifier la lecture des messages : un espace pour les offres
et les demandes d'emplois (comme le font les associations professionnelles),
un espace pour les annonces de parutions et les critiques (comme le fait
Zazieweb), un espace pour les annonces de manifestations (comme le fait
aujourd'hui Calendoc), un forum pour les questions/réponses… Et bien
évidemment la possibilité de choisir son fil d'intérêt (flux RSS
thématiques, mails thématiques…).
Un site pour les services, afin de ne garder que la partie débat sur la
liste. Mais nous y avons renoncé, parce que monter un tel projet prend du
temps, parce que d'autres le font déjà, mais aussi parce qu'un tel site ne
serait pas la suite logique de biblio-fr. Du moins pas plus que si quelqu'un
d¹autre le lançait et le prenait en charge.


Un bilan positif
—————–
Partie d'une initiative d'une trentaine de bibliothécaires connectés en
1993, biblio-fr est devenue un symbole institutionnel pour toute une
profession.


L'objectif de biblio-fr, dès sa création, était d'accompagner l'irruption
des réseaux numériques dans les professions du livre et des bibliothèques.
La liste se voulait un outil de formation permanente, horizontale, des
bibliothécaires par les bibliothécaires. Un outil d'animation critique des
évolutions du monde de l'édition et de la production documentaire. Un outil
de partage entre professionnels, par delà les différences de structures
(ville, campagne, petites et grandes bibliothèques, universités et lecture
publique,…) et par delà les hiérarchies internes à la profession (ce sont
aujourd'hui tous les acteurs et actrices de la vie des bibliothèques qui
peuvent suivre et créer l'information). Un outil de parole qui permet la
réflexion collective critique, une mise en perspective ou une remise en
cause des pratiques professionnelles, des relations aux lecteurs, des
intérêts parfois contradictoires entre les professionnels et les attentes du
public…


Cet objectif a été rempli durant une large part de l'histoire de biblio-fr.
Il n'est plus un moteur suffisant pour continuer sur le même principe.


Ce qui va se passer maintenant
——————————

——
D'abord, soyons clairs : biblio-fr a été une aventure collective, dans
laquelle chaque auteur de message a eu sa part. Mais biblio-fr, comme image,
comme projet a aussi été porté par des personnes. Nous pensons qu¹il est
préférable d¹arrêter le support de la « communauté virtuelle » (la liste des
adresses, la modération) ainsi que le nom « biblio-fr ».

Nous arrêtons la diffusion des messages habituels sur la liste : ni offres
d'emploi, ni questions et réponses, ni annonce d¹animationsŠ

Nous diffuserons toutes les idées qui pourraient s'inscrire dans la suite de
l'aventure de biblio-fr : si vous voulez créer un site web, un blog, une
autre liste de débat… qui participe du projet global d'intéresser les
bibliothécaires, nous diffuserons votre message. À vous de trouver les mots,
de convaincre vos lecteurs.

Nous diffuserons les messages dans lesquels vous pourrez écrire ce que vous
avez vécu dans votre relation avec biblio-fr pour garder la trace,
constituer un livre d¹or, faire un bilan collectif.

Par ailleurs, durant cette période, nous allons travailler à la
pérennisation des quinze ans d¹archives de biblio-fr.

Comprenez que nous n'avons pas encore évalué tout ce qui pouvait se passer,
et que cette fermeture d'une aventure est aussi une nouvelle aventure. Nous
déciderons ensemble de ce qu'il conviendra de faire au mieux.

Merci à tous ceux qui ont construit biblio-fr !
——————————

———————
Aujourd'hui, il est temps de fermer la porte sur ce moment exceptionnel.

Biblio-fr a accompagné une des plus profonde révolution dans la production
et la diffusion des informations, de la culture et des connaissances. Nous
en sommes fiers, et nous en sommes heureux. À d'autres de prendre en charge
et d'accompagner la deuxième phase. Avec d'autres outils, d'autres rythmes,
d'autres attentes… Nous sommes totalement solidaires des initiatives qui
vont venir.

Tourner la page, même virtuelle, est devenu une nécessité pour que se
réinvente la flamme qui a fait vivre biblio-fr si longtemps. Grâce à vous
tous et à vous toutes qui ont fait ce média en le nourrissant de vos
connaissances et de vos interrogations, de vos rêves et de vos espoirs.

Merci à toutes et à tous pour ces années pleines d'énergie et de
découvertes.

Merci particulièrement à Serge Aumont et Olivier Salaün au Comité réseau des
universités (les lettres C R U dans biblio-fr@cru.fr). Ils ont développé le
logiciel SYMPA qui gère les abonnements, l'envoi des messages et les
archives, et mis en place une infrastructure technique qui a dû faire face à
des flux considérables ! Que leur aide, leur soutien, leur gentillesse et
leur professionnalisme soient ici appréciés par tous autant que par
nous-mêmes.

Nous rebondirons, ensemble et autrement pour l'accès au savoir et la
diffusion de la culture. Un vrai rêve de bibliothécaire.

Sara Aubry
Hervé Le Crosnier


================================

(Temps de rédaction de ce billet : 30 minutes // Il est ému aussi : Jean-Michel Salaun)

4 commentaires pour “Biblio-fr s’arrête.

  1. C’est ici que j’ai trouvé cette information (par hasard) – qui ne m’a pas vraiment surpris, finalement – même si je regrette cette disparition et espère que ce sera une mutation, comme l’exprime d’ailleurs la chute du message de Sara et d’Hervé.

  2. Après le travail de deuil (nécessaire sans doute, surtout pour les anciens), on verra qu’il y a d’autres moyens pour communiquer et pour créer des communautés professionnelles. A chaque époque sa technologie et ses outils de communication. Quelle place pour une liste dans un environnement fait de médias sociaux ? Je trouve que la décision d’arrêter cette liste est compréhensible et en cohérence avec l’évolution de nos métiers.

  3. Inutile en effet d’être nostalgique pour le plaisir de se lamenter.
    Mais je crains surtout que la disparition de biblio-fr ne soit une occasion de plus pour les uns et les autres de se refermer sur leur petit domaine : les bibliothèques publiques d’un côté, les bibliothèques universitaires de l’autre, les bibliothèques patrimoniales d’un côté, les bibliothèques sans vocation de conservation de l’autre. Il y a tant d’occasions de ne pas se rencontrer : cette disparition n’en fera qu’une de plus.
    Résultat : chacun aura son propre fil RSS ou sa propre liste, et adieu les ponts entre les uns et les autres. Dommage !

  4. sauvons la direction française du livre
    sauvons le service public de l’histoire
    sauvons la gratuité française
    sauvons Jean Sarkot
    sauvons le fret rail cégétiste
    sauvons les bibliothèques sans lecteurs
    sauvons les lecteurs sans livres
    sauvons les livres à 1 euro chez Emmaüs
    sauvons le service public des sauvetages
    sauvons l’université française de merde à la con
    sauvons Sud-ptt Universités
    sauvons le vote élecronique dans les facs

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