L’université de demain.

Les frais d'inscription y sont de 25 000 €. (murmure de désapprobation dans la salle) Ah oui je sais c'est cher. Mais attention ! Ce n'est pas de l'élitisme ou de la sélection par l'argent. (murmure de satisfaction dans la salle) Ah ben non. Parce que heureusement cela reste accessible à plein d'étudiants boursiers. 6 boursiers sur une promo de 30, c'est quand même un peu plus que du "vernis social" non ? (quelques applaudissements fusent) Oh mais rassurez-vous ce n'est pas l'état qui va verser les 150 000 € permettant de couvrir les frais d'inscription de 6 boursiers pendant un an. Ben oui, faut pas non plus abuser ! (sourires) Non, ceux qui vont payer ces bourses, ce sont … ce sont … ce sont … ce sont de grands groupes pharmaceutiques ! Ce qui est parfaitement cohérent puisque le diplôme délivré au bout de cette année sera en fait un double diplôme, un diplôme de médecin ET de manager. Eh oui. Et qui mieux que de grands groupes pharmaceutiques est à même de financer les études de ces actuels boursiers et futurs médecins-managers ? D'autant que c'est important de former dès aujourd'hui les médecins managers qui devront gérer demain l'autonomie des hôpitaux grâce à la loi HPST** de Roselyne Bachelot. Et puis comme ce sont des lobbys, euh … non pardon je voulais dire comme ce sont des grands groupes pharmaceutiques qui ont payé leurs études (et qui assureront probablement également une bonne partie des cours délivrés), quand les médecins-managers entreront en fonction, et ben comment dire … et ben ils sauront quels médicaments il faut donner aux patients … Et puis en plus ça tombe bien parce que de toute façon, la médecine et le management, et ben figurez-vous que ce sont deux domaines avec plein plein plein de points communs, comme le rappelle le directeur de ce nouveau diplôme : "En médecine comme en management, tout ne se contrôle pas et le risque existe." Eeeeeet oui. C'est ça ce qu'on appelle la force de l'évidence. Le point commun entre la médecine et le management : c'est le risque. Nooon, vous êtes taquins. Pas le "capital-risque", le risque. (éclats de rires) Bon vous me direz qu'avec ce genre d'arguments on pourrait tout aussi bien former des médecins-trapézistes (point-commun : le risque) ou des plombiers-trombonistes (point commun : le tuyau) ou encore des opticiens-soudeurs (point commun : les lunettes) ou encore des guichettières-profs de français (point commun : la princesse de Clèves) … m'enfin …

Naturellement, sinon cela n'aurait pas de sens, tout cela est authentique. La preuve ?

  • La voici : "Décrocher un double diplôme, de médecin
    et de manager, ce sera désormais possible pour une poignée d’élus grâce
    à la convention signée le 22 avril 2009 entre l’ESSEC et l’université
    Paris Descartes." Lire la suite sur EducPros.

**HPST : loi Hopital Patient Santé Territoire. Roselyne Bachelot – conseillée par Frédéric Lefevre en ce moment peu avare de ses innombrables saillies intellectuelles – Roselyne Bachelot avait initialement choisi pour cette loi le nom "MST" (Medecine, Santé, Territoire) mais pour une raison encore obscure, la cellule de communication de l'Élysée a préféré en changer.

(Temps de rédaction de ce billet : 1h … comme si j'avais rien de mieux à faire …)

6 commentaires pour “L’université de demain.

  1. En fait même si, dit comme cela, ça peut paraître choquant, il n’y a pas grand chose de nouveau dans le concept. Cela fait des années qu’à l’université ou dans les “grandes écoles” on forme des doubles compétences. A l’université par exemple, ce qui s’appelait le DESS CAAE (Certificat d’Aptitude à l’Administration des Entreprises créé en 1956) ou aujourd’hui après réforme LMD le MAE (Master d’Administration des Entreprises) est un diplôme destiné à des spécialistes de tout poil (pharmacien, médecin, ingénieur, informaticien, etc) qui ont suffisamment de responsabilités dans leur établissement pour devoir suivre une formation. Ces formations ont plutôt toujours eu du succès et du coup les écoles privées et consulaires ont développé des formations plus précises. L’objectif n’étant pas de s’adresser à “tout le monde ayant des responsabilités” mais plus précisémment à certains domaines (la santé, l’agroalimentaire, les biotechnologies, le tourisme, etc). Ca a “toujours” existé. La nouveauté dans le diplôme que vous citez, c’est que celui-ci a des horaires aménagés pour qu’une personne faisant ces études dans toute discipline (ici la médecine, mais j’imagine que cela existe peut etre déjà pour d’autres métiers) puisse se former au management pendant la durée de ses études “principales”. Ce qui me gêne le plus dans cette formation c’est que l’université Paris Descartes fasse appel à l’ESSEC plutôt qu’à l’IAE de Paris ou l’université Dauphine qui sont le siège des études en “management”. On ne peut pas aller contre les besoins qu’on les médecins ou tout autre métier de devoir manager. Il faut donc que l’université s’adapte dans ses formations pour ne pas perdre de terrains face aux écoles sinon… (voir ci-dessous).
    Sinon quoi ? Je voudrais revenir sur votre premier point : les frais d’inscription à 25000eu. Je n’ai pas du tout cette vision du futur et peut-être pourrons-nous en débattre. Ce que je crains c’est que ce soit gratuit (murmure d’interrogation dans la salle ?). Je pense que d’ici peu de temps, les écoles vont passer à un autre type d’offensive sur les universités. Elles auront je pense bientôt les moyens d’ouvrir des formations gratuites. Ce ne sera pas leurs formations phares (qui pourront quand même être ouvertes à quelques boursiers comme c’est déjà le cas) mais de formations suffisamment attractives pour être de vraies concurrentes des formations du public. Aussi, même si les droits d’inscription à la fac restent raisonnables, cela ne résistera pas longtemps à une attaque du privé par la gratuité.

  2. formations gratuites des écoles… ?
    J’ignorais que les normaliens, polytechniciens et autres étudiants des grandes écoles PUBLIQUES, payaient leurs frais d’inscription au même titre que les étudiants de HEC, ESSEC, ou ESIEE, écoles ou grandes écoles PRIVEES…
    il y a comme une différence de prix, à défaut d’autre chose, entre les deux !!
    Mais comme toutes choses à un prix, les titulaires du diplome d’une grande école PUBLIQUE doivent dix ans au service de l’Etat. Les normaliens vont être cadre de l’enseignement supérieur universitaire, dans le mépris duquel ils ont été éduqués, les chartistes vont être conservateurs d’archives et de bibliothèques, les inégnieurs des ponts, cadres dans les structures d’équipements etc.
    Bien sur, beaucoup se vendent aux entreprises, mais ce sont eux qui se vendent, pas les écoles… pas les enseignements.
    Ce que souligne ce billet, c’est l’ambiguité, la contradiction des missions, soigner ou vendre ? Contrairement à ce que vous pouvez laisser entendre, ca n’est pas toujours compatible : multiplier les actes, car un médecin, une clinique, sont payés à l’acte quand cela ne se justifie pas vraiment. Dans la médecine libérale les patients vont voir ailleurs, mais quand on parle de cliniques et d’hopitaux où ces managers vont officier,l’alternative n’existe pas pour les patients, la carte hospitalière s’impose à eux et avec le mode de gestion de l’hôpital.
    A quand les formations informatiques financées par windows (y apprendra t on unix ?)à quand les formations au journalisme financées par lagardere hachette ? y apprendra t on à enqueter ? a quand les formations à l’écologie financées à vivendi et bayer et monsantau ? la contradiction vous apparait elle plus évidente ? Ou encore les formations juridiques en propriétés intellectuelles financées par … le syndicat des éditeurs phonographiques, la sacem la SACD etc…
    (in)former n’est pas déformer

  3. Pour démarrer effectivement, quand je parlais d’école c’était sous-entendu privée, je ne faisait pas du tout référence à l’ENS, Polytechnique, etc. Veuillez m’excuser pour ce raccourci.
    A part cela, j’ai bien saisi la contradiction. Et je suis entièrement d’accord sur le fond de ce billet. Désolé si j’ai pu le faire percevoir autrement. En revanche je ne vois pas bien où j’ai dit que les missions étaient compatibles.
    Ce que je dis juste (et en disant cela, je n’entends pas dire que c’est normal et qu’il ne faut pas s’en offusquer) c’est que 1/ ça existe depuis longtemps dans le public. (et oui j’ai bien noté que le billet faisait référence à une loi toute récente (HPST)). Si je tape Chaire+IAE dans google je trouve des banques (Crédit Agricole) qui financent des formation en gestion, des cabinets de recrutements qui financent des formations en ressources humaines, je trouve également Siemens, etc etc. Je ne dis pas c’est compatible, je dis : ça existe.
    2/ce que j’ajoute c’est que la situation va s’aggraver quand (ou “si” car ce ne sont que des conjectures) les écoles PRIVEES vont jouer la carte de la gratuité sur certaines formations.
    Pour finir, en cherchant bien, je suis certain qu’on peut déjà trouvr une formation informatique financée indirectement ou non pas Windows.

  4. MST : le terme ne désigne plus vraiment qqch de sexuellement transmissible, remplacé par IST (non, pas information scientifique et technique 😉 )

  5. @luc pour les formations Windows, je m’excuse mais ça a toujours été le cas. Jamais il est question d’informatique libre. Tous les logiciels (dont les systèmes d’exploitation) sont propriétaires. Et c’est sur ce genre d’informatique qu’on apprend à manipuler un ordinateur.
    En effet que dire des licences éducation proposée par Microsoft, juste pour qu’après on utilise que ça. À quand la liberté technologique? Mais je m’égare…

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