L’éditeur est-il soluble dans le crowdsourcing ?

Voilà à n’en pas douter de quoi rajouter de l’eau au moulin du dernier billet de Jean-Michel dont je ne reprends ici qu’une phrase hors-contexte mais significative tout de même : "Quelle étrange dynamique qui conduit à rechercher la vérité, sans pouvoir en assumer la responsabilité !". De mon côté j’avais attiré votre attention sur la problématique de la responsabilité éditoriale dans Wikipédia. Et j’en viens donc au vif du sujet et au coeur de ce billet : quel est le point commun entre Eric Dupin (Presse-citron.net), Olivier Martinez (acteur procédurier) et Florence Devouard (Wikimedia fondation) ? Et bien tous ont un problème d’éditeur.
L’affaire est donc celle qui oppose Olivier Martinez à Eric Dupin. La génèse de l’affaire et son dernier rebondissement sont lisibles et parfaitement résumés sur le site d’Ecrans. Donc Hop vous partez le lire et quand ça y est, Hop, vous revenez ici. Ca y est ? Bon.
Donc le titre de ce billet : Fuzz (le site d’Eric Dupin) est en effet un Digg-like, un de ces sites dans lequel les utilisateurs font remonter le contenu et, par leurs votes, construisent la hiérarchie des news ainsi collectées. Donc Eric Dupin n’est effectivement pas responsable de la "Une" de Fuzz, pas plus que de la hiérarchisation de toute news y figurant. Mais Eric Dupin est éditeur du site Fuzz. Et à ce titre aujourd’hui condamné.
Toute cette affaire est à la fois troublante et éclairante.
Eclairante parce qu’elle souligne que tout acte de publication implique une responsabilité éditoriale, et ce indépendamment de la longueur et de la profondeur de la chaîne des médiations qui interviennent dans le processus. L’éclairage en question porte donc dans le cas qui nous occupe, sur la désagrégation (désintermédiation) de la boucle publication-édition, une désagrégation, un délitement qui n’en ôte pas la spécificité, et qui en aucune manière ne peut aboutir à un escamotage. L’une (la publication) ne peut effacer l’autre (l’édition) et réciproquement. Toute publication doit être éditée pour "exister", et tout acte éditorial ne peut porter que sur la trace inscrite d’une publication première, originelle.
Troublante parce qu’au vu de la LEN (loi sur l’économie numérique) et des modèles actuellement dominants de nano-publication (un billet de blog, un fil twitter) versus macro-agrégation (les Digg-like et dans une moindre mesure les moteurs-remixeurs de recherche), la définition de la responsabilité éditoriale est pour le moins fluctuante (comme le souligne l’article d’Ecrans, le choix du tribunal dans l’affaire Martinez/Dupin aurait reposé sur la présence d’une rubrique baptisée "Les people", rubrique mise en place par Fuzz/Eric Dupin, et attestant donc – toujours selon les juges – de la responsabilité éditoriale d’Eric Dupin).
Le dernier point d’éclairage qu’apporte cette affaire, c’est le décalage du coup porté à Fuzz. Olivier Martinez aurait mieux fait de choisir d’attaquer l’individu à l’origine du dévoilement de sa vie privée, au lieu de s’en prendre au site ayant agrégé et relayé l’information, même si cette agrégation contribua grandement à donner une visibilité à cette information. C’est donc là encore de désintermédiation qu’il s’agit. Mais d’une désintermédiation auctoriale et non plus éditoriale. Personne ne semble se soucier en effet de l’individu à l’origine de l’information. Conclusion (temporaire) : la visibilité éditoriale devient l’autorité factuelle et engage la responsabilité civile du vecteur de visibilité (le site Fuzz).

<Update de 5 minutes plus tard>Etonnant … le site Libération semble être affecté par le verdict de l’affaire puisqu’après avoir publié aujourd’hui même une page relayant la rumeur du mariage entre Olivier Martinez et Kylie Minogue (preuve en image n°1), il a promptement ôté ladite page de son site à l’heure (21h40) où j’écris ce billet.

Kyliemartinez_2

Ayepu

Ou comment Libération invente le mouvement perpétuel en balladant son lecteur, puisqu’en utilisant "le moteur de recherche de notre base archive" on tombe sur la copie d’écran n°1 avec l’adresse de l’article, laquelle adresse nous amène à la copie d’écran n°2 qui nous ramène … etc … etc …
</Update>

<Update de 5 jours plus tard> Explication du revirement de libé sur @si.</Update>

(Temps de rédaction de ce billet : 1h30)

4 commentaires pour “L’éditeur est-il soluble dans le crowdsourcing ?

  1. petit conseil d’ami , si j’étais vous, je retirerai les images du site de Libération et toutes références à des informations de la vie privée de l’individu en question ; car vous êtes passible de la même peine que le site de fuzz et de plus, vous reproduisez je pense sans l’accord de Libération une image de leur site qui n’existe plus de surcroit (les copies d’écran obéissent aux mêmes règles de propriétés intellectuelles que les autres oeuvres de l’esprit…) ; Libération a peut être reçu par ailleurs un injonction par LRAR de retirer l’information en question et il pourrait vous reprocher de la reproduire…les bloguers ont intérêt de prendre quelques cours de droit en ce moment…

  2. Bonjour
    cette décision de justice me parait vraiment étrange… Et posent d’autres questions:
    1) l’article (pas un lien vers) est toujours present dans le cache de google. Google devrait etre attaqué et condamné plus sévérement non?
    2) Fuzz a t’il été attaqué et condamné par un tribunal Francais car il était hébérgé en France? Pour poser la question différement, est ce que je risque la même amende si j’héberge le même contenu sur blogspot? (en esperant que le contenu ne soit pas délivré par un serveur dans un datacenter secret de google en France…).
    3) Pourquoi n’attaque t’on pas les kiosques a journaux?? Ils participent, en montrant les unes des journaux et en créant des catégories, à la diffusion des titres les plus scabreux.

  3. Réponse à Loran:
    1) – le cache de google contrevient clairement aux droits de propriété intellectuels des auteurs de site puisqu’il capture et reproduit le contenu sans autorisation (mais personne n’ose s'”attaquer” à ce “monstre” ni même en parler alors que cela pourrait faire un bel objet d’article)
    2)ce qui compte pour les tribunaux, c’est l’accessibilité en france d’un site contrevant au droit français qu’il soit localisé en france ou ailleurs (bien évidement, les poursuites seront difficiles à l’étranger – voir affaire yahoo)
    3) concernant les kiosques; ils doivent retirer les revues interdites judiciairement, ils sont donc plus “hébergeur” qu'”éditeur”…

  4. Bonjour Remy
    merci beaucoup pour les éclaircissements
    concernant le point 2)
    J’avoue que je ne comprends pas très bien. Si on étend la logique aux tribunaux des autres pays, cela signifie t’il que tout contenu, peut-être attaqué par n’importe quel tribunal de n’importe quel pays, indépendamment de l’endroit ou il est hébergé?
    Si tel est le cas on est pas sorti de l’auberge!!!
    Et puis en limitant, le problème au francais (la langue).
    Les francophones sont ils passibles d’amendes devant des tribunaux francais, pour des contenus qui ne sont pas illicites chez eux????
    Un exemple, un digg qui serait géré par des belges, en Belgique est condamnable devant un tribunal francais??????

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