En cette rentrée universitaire, petit tour de France pour voir où on en est de l'aplication et des réactions à la LRU (la liste est ouverte et vous êtes invités à la compléter en commentaires) :
(les infos reproduites ci-dessous sont une compilation d'infos publiées dans la presse ainsi que sur les sites de sauvons la recherche, sauvons l'université, rezo.net, ainsi que diverses listes de discussion, syndicales ou non)
- Axel Kahn est un des (le ?) premiers présidents élus "nouveau régime". Il prend la direction de Paris 5.
- le CA de l'Université Jean Monnet (Saint Etienne) a voté à l'unanimité une motion dénonçant la LRU, en choisissant de l'appliquer (ben oui, le problème c'est qu'on n'a pas vraiment le choix ...) de la manière la plus "lente" possible
- Les historiens de Paris X- Nanterre, réunis en assemblée générale le 14 décembre 2007 expriment leur inquiétude au sujet de la loi LRU
- "Pour la première fois depuis 15 ans, le CNESER, réuni le 17 décembre 2007, n’examine aucune répartition d’emplois dans les universités." (lire la suite)
- A l"université de Provence, des personnels (administratifs, enseignants et chercheurs) ont publié un texte manifestant leur désaccord avec la loi LRU
- Le Conseil d'administration de l'université de Nanterre, réuni le lundi 17 décembre a approuvé la révision des statuts de l'université (= entrée dans la LRU) à 38 voix pour, 16 contre et 1 abstention. Premier résultat, le nouveau nom de l'université est désormais Paris "Nanterre-La Défense". C'est vrai que ça sonne mieux ...
- Rien n'a pour l'instant filtré de la rencontre du 17 décembre entre les différents bureaux des CNU (Conseils nationaux des Universités) et la Ministre. Un assourdissant silence qui ne dit rien de bon ... si vous avez des infos ou si j'ai raté quelque chose, les commentaires sont ouverts.
- Il y eut aussi l'annonce du "plan licence", qui est - au mieux - d'une naïveté déconcertante.
- Pour rester dans le registre de la naïveté - à moins qu'il ne s'agisse de simple démagogie ou d'une énième enflure d'une stratégie communicationnelle qui confine à l'écoeurement - le célèbre vrai-faux blog "Université numérique", (sur la raison de mon acrimonie, relire un passage de ce billet) après quelques très courts mois d'existence (2 tout au plus), vient de fermer. Monsieur Henri Isaac (en charge du rapport sur le sujet) vous remercie pour les quarante deux commentaires laissés en réponse aux 6 questions essentielles qui étaient posées. Il tient à vous signaler qu'il tiendra bien compte de vos avis. Ben tiens :-(
- On lira avec intérêt sur le site de l'inspection générale des finances le "Cahier des charges établi en vue de l'élargissement des compétences des universités prévu par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités" (.pdf) Daté d'Octobre 2007, ce rapport est un rapport de l'IGF, c'est à dire qu'il ne s'embarasse que rarement de lyrisme et de mansuétude, mais au delà du style aride, il traduit bien la logique de la loi, notamment concernant la "fongibilité asymétrique des crédits". Ce qui signifie - en gros - qu'on pourra affecter et réaffecter tous les crédits alloués et récupérés par l'université sur différents postes, dans tous les sens, pour optimiser ladite gestion autonome de ladite université. Dans tous les sens ? Pas vraiment. L'enveloppe affectée aux personnels ne pourra, elle, pas être augmentée. C'est cela, la "fongibilité asymétrique des crédits". En complément - ou à la place - de la lecture du rapport, je vous conseille cette petite explication de texte.
- Et puis petit cadeau, je vous mets dans la version longue de cette note le texte de Pierre Gervais qui se conclut comme suit : "En imposant la présidentialisation à outrance d'universités toujours plus contrôlées par l'Etat dans un contexte de misère budgétaire, ce n'est pas Harvard que l'on imite, c'est l'Académie des Sciences de la défunte Union Soviétique."
- Côté "évaluation et audit" le ministère a organisé le 7 décembre dernier dans le cadre de l'AERES ("son" agence d'évaluation de la recherche) un colloque sur ... l'évaluation de la recherche. Sur 6 intervenants, 5 sont à la tête d'organismes ou de cabinets d'audit et plaident donc pour des évaluations "indépendantes" (comprenez : réalisées par des auditeurs non nécessairement universitaires). CQFD.
- Le 18 décembre, dans le prolongement de la loi LRU du 10 Août, fut lancé le chantier dédié aux personnels (de l'université). Une commission présidée par Rémy Schwartz qui rendra prochainement un rapport. La composition de ladite commission ménage les susceptibilités : y sont représentés le cercle des économistes, la sociologie (1 chercheur), les CNU (le président de la section droit), l'AERES, un recteur, quelques politiques au titre de raporteurs de la loi LRU et ... Yves Dejeacques, DRH de la Sté CASINO, président du réseau national pour l’égalité des chances (<= "réseau" dont je ne trouve aucune trace sur Internet ... si vous avez des infos ...). Et ben oui.
- Et du côté de chez moi ? A Nantes, on se veut bon élève : la loi LRU, toute la loi LRU, rien que la loi LRU. Et vite, vite, vite on court l'adopter. Avant les vacances, j'ai reçu (comme tous les autres personnels de l'université ?) un document pdf comprenant les propositions de nouveaux status. Un texte creux, un texte de "bon élève", un grand "copier-coller" de la loi LRU avec une utilisation de "rechercher/remplacer" (pour les mentions de l'université de Nantes) qui confine au génie. Rien de plus - ni de moins - n'est dit dans ces propositions de statut que ce qui était déjà écrit depuis Août dernier dans le texte de la loi. Et c'est précisément le problème. Personne ne semble réellement savoir comment pourra s'appliquer ladite loi en dehors de ses grands principes. Tout le monde attend avec impatience les décrets d'application qui alors seulement commenceront à poser les vrais problèmes managériaux (puisqu'il faut désormais causer ainsi).
- Et moi : ben, finalement je vais attendre jusqu'à la semaine prochaine pour envoyer ma lettre de démission de mon poste de vice-président de la commission de spécialiste ... Je vais attendre parce que le président de ma commission de spécialiste doit se renseigner auprès du président de l'université de Nantes sur l'avenir desdites commissions, et parce que je risque finalement de ne pas être tout seul à démissionner, mais ça ... chut ... c'est une surprise :-) Nous aurons ensuite bien le temps de voir comment et avec qui seront composées les nouvelles commissions "d'experts" ... parce que pour l'instant, dans le document précédemment mentionné, il n'en est même pas fait mention. Probablement attend-on que la ministre édicte sa loi (ça c'est fait) et surtout ses décrets d'application (ça c'est pas fait), et probablement a-t-on oublié qu'il serait peut-être temps de prendre l'autonomie au pied de la lettre, et de jouir pleinement de cette autonomie proclamée pour lancer une réflexion de fond sur les modalités de recrutement à l'université ... et ce de manière "autonome". Parce que comme nous l'apprend un bon dictionnaire, l'autonomie ce n'est pas seulement : "Le fait de se gouverner par ses propres lois". C'est aussi et surtout : "le fait, pour une collectivité, d'assumer et de vivre son particularisme, son individualité morale, culturelle". La collectivité, c'est l'université. Pas "les" universités.
Et pour finir je vous livre un extrait de l'un des derniers "bloc-notes" de Didier Nordon dans le magazine Pour la Science, parce qu'avec la loi LRU et les nouveaux modes de management de la recherche la productivité publiante pourrait prochainement atteindre des sommets (sommer ?) d'incohérence :
- "Certains, dont la foi est profonde, restent réservés devant ce jeu des
apparences sociales qu’est à leurs yeux une pratique assidue. Ils sont
très croyants, mais peu pratiquants. D’autres, dont la foi est
chancelante, aspirent à consolider celle-ci en se conformant à une
pratique stricte qui, à défaut de les aider à surmonter leur doute, les
encadre et les soutient. Ils sont très pratiquants, mais peu croyants.
Qui a dit que j’étais en train de parler de religion ? Dieu m’en garde, en ces colonnes ! Je ne fais que réagir à des documents récents, diffusés par les instances universitaires, dans lesquels est examiné le cas, qu’elles jugent embarrassant, des chercheurs qui ne publient jamais. Elles envisagent les moyens à mettre en œuvre pour que ces non-publiants deviennent des publiants. L’emploi, nouveau, des termes « publiants » et « non-publiants » en tant que substantifs n’est pas sans rappeler une autre substantivation – ancienne, elle : celle qui marque l’opposition entre les pratiquants et les non-pratiquants.
Cependant, vu que la conviction et la pratique ne vont pas toujours de pair, il n’est pas certain que la science gagnerait à ce que tous les non-publiants se muent en publiants. Est-ce vraiment fertiliser la science, est-ce lui marquer une considération réelle, que de produire coûte que coûte des articles, au risque de n’y exprimer aucune inventivité ? N’est-ce pas plutôt se soumettre au conformisme universitaire ? Les non-publiants sont étrangers à la recherche en tant que carrière, mais ils ne sont pas forcément étrangers à la recherche en tant que quête.
L’hétérogénéité engendre plus d’étincelles créatrices que l’homogénéité. Il est sain que les universitaires soient dissemblables. Les orienter tous vers une pratique que tous ne ressentent pas comme adaptée à leur forme d’esprit est plus propre à satisfaire la bureaucratie qu’à enrichir la pensée."
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Comme promis donc, le texte de Pierre Gervais en version intégrale :
Une précision seulement : Axel Kahn a été nommé président de l'université Paris Descartes (ex- Université Paris 5 René Descartes).
http://www.univ-paris5.fr/spip.php?article2656
Rédigé par : Sylvain | 09 jan 2008 à 10:05
Je persiste... A. Kahn a pris la direction de Paris 5 et non Paris 4. Il faudrait corriger car Google indexe très bien affordance.info !
Rédigé par : Sylvain | 13 jan 2008 à 11:26