Autorité, notoriété et représentativité : devine qui vient dîner ?

Bon ben voilà, c’est fait. C’était donc mardi soir qu’une quinzaine de bloggueurs se sont rendus à l’invitation de Valérie Pécresse.
A lire leurs différents compte-rendus on apprend pêle-mêle que les sujets abordés furent très, mais alors très très larges :

  • "fracture numérique" (mais il n’y avait aucun auteur du rapport de la FING sur la question)
  • "taux d’équipement des ménages" (mais il n’y avait aucune ménagère)
  • "taux d’équipement des étudiants" (mais il n’y avait aucun étudiant)
  • "identité numérique" (mais il n’y avait aucun intervenant du séminaire du 17 Décembre au CNAM, ah ben si, moi, mais j’ai décliné l’invitation …),
  • "prééminence de Google" (mais il n’y avait ni Jean Véronis, ni Jean-Michel Salaün)
  • "internet mobile", "internet des objets" (mais il n’y avait aucun journaliste d’InternetActu ni aucun des experts interviewés dans leurs incontournables colonnes sur ces sujets)
  • "industrie du jeux vidéo" (mais il n’y avait aucun industriel travaillant dans ce secteur)
  • "la diffamation sur le net" (mais il n’y avait aucun avocat ni aucun spécialiste des questions juridiques) …

La palme du compte-rendu le plus complet est attribuée à Eric Dupin. Celle du compte-rendu le plus pertinent est attribuée à Sébastien Billard. Celle du compte-rendu le moins journalistique pour l’unique détenteur d’une carte de presse est attribuée à Gilles Klein (tâcle amical cher Gilles, mais quand on est journaliste et au coeur de l’événement, faut essayer d’i-n-f-o-r-m-e-r les lecteurs, et à ce titre nous indiquer "qu’il n’y avait pas de fromage" mais que vous avez "grignoté un bout de fromage en rentrant" ne me semble pas particulièrement pertinent, pas davantage d’ailleurs que de tenter d’enduire d’erreur vos lecteurs en me réduisant à un enseignant gréviste contre la LRU, ce qui n’était vraiment pas la motivation de mon refus, ce que vous auriez pu facilement découvrir si vous aviez fait votre boulot de journaliste, puisque je m’en suis longuement expliqué chez un autre – journaliste, mais c’est vrai qu’avec tous ces bloggueurs qui bossent mieux que les journalistes, y’a plus vraiment besoin de journalistes, hein ?)

Pour les autres, vous irez vous faire votre propre avis , , , et encore .

Je maintiens qu’il est dommage de s’en tenir à un panel hétéroclite. Ce n’est d’ailleurs probablement pas le fruit du hasard si parmi les points communs de l’ensemble des compte-rendus on trouve le suivant : "il faudrait des rencontres avec des thématiques plus ciblées avec de vrais spécialistes dans chacunes des questions." Ce qui ne remet pas en cause les qualités individuelles des convives, mais qui laisse effectivement en suspens la question : "sur ces sujets pourquoi eux plutôt que 35 autres millions de français qui ont aussi un avis là-dessus ?", et surtout "pourquoi eux et pas des chercheurs, des spécialistes "reconnus" et non simplement "connus", des collectifs comme la FING, des associations comme le forum des droits de l’internet, des journalistes, des avocats, etc … ?)
S’il suffit d’avoir une opinion sur un sujet pour se retrouver à dîner chez un ministre, lesdits ministères vont devoir sous-traiter leurs repas aux restos du coeur, et va falloir songer à agrandir l’assemblée nationale pour pouvoir y caser tout le monde … Je maintiens donc que la confusion entre autorité et notoriété est ministériellement validée. Et que c’est bien dommage. Et que cela re-re-re-repose la question de savoir ce qu’est un amateur, un amateur éclairé, un spécialiste, un expert, un auteur (mais Evelyne Broudoux n’était pas invitée) … et surtout de décider de la légitimité politique de chacun d’entre eux (ce qui n’a – subtile mais ô combien importante nuance – rien à voir avec la légitimité de chacun dans le débat politique, cette dernière étant un principe – théoriquement – fondateur de notre démocratie.) Plus dommageable encore que la confusion entre notoriété et autorité, ce que donne à voir ce dîner chez la ministre, c’est l’escamotage complet de la notion de représentativité. Or seule l’autorité peut et doit – dans certaines conditions – se dispenser de toute notion de représentativité. Mais donner le sentiment que la notoriété "hériterait" d’une valeur de représentativité me semble la pire des directions à prendre dans la sphère politique. Sauf, naturellement, à ne savoir / vouloir / pouvoir faire que de la politique "spectacle". Autorité, notoriété, et représentativité : une bien belle triangulation du désir politique.

Eric Dupin conclue joliment – mais assez ingénument –  son billet (je grasseye) : "On peut imaginer que notre dîner d’hier soir n’était qu’une petite
partie d’un magma qui va constituer la base de réflexion et d’action
d’un ministère pour les mois à venir. Comme une sorte de longue traîne de la politique.
" On peut aussi imaginer que si ledit modèle politique qu’on nous propose est l’équivalent du modèle économique de la longue traîne, ça va pas tarder à être un beau bordel 🙁

19 commentaires pour “Autorité, notoriété et représentativité : devine qui vient dîner ?

  1. Pécresse aurait donc papouillé la laine de nos 15 moutons pour qu’ils colportent sur la toile la bonne nouvelle UMP ? Le seul représentatif, le seul légitime, la seule autorité notoire de la blogogalaxie, c’était donc toi et tes serviles acolytes de pensée ? ou 35 millions de français ? Et tu n’y étais pas…
    La France s’en remettra-t-elle ?

  2. Calmos PATU ! Tu t’emportes. Et “serviles acolytes”, c’était juste pour la formule ? Tu aurais pu autrement mettre à profit le temps que tu as perdu pour la trouver : par exemple en ayant un point de vue critique sur l’objet de ce billet, en lisant les autres comptes-rendus qui, pour la plupart, laisse transparaître un ego qui me semble autrement plus grand et pernicieux (j’épargnerai juste S. Billard : ses propos contrastent en effet avec la fierté à peine masquée et surtout la naïveté et le manque de distance et d’esprit critique dont font preuve les autres “bloggeurs influents” et autres surfeurs opportunistes de la vague 2.0). Mince, je m’emporte à mon tour…!

  3. Mais oui, mais oui. Attention ! billet de fond. Les autres, les simples blogueurs, les simplets, les invités, eux ils babillent, ils ne savent pas ce qu’il convient de dire, de penser, encore moins de penser, serviles qu’ils sont, piégés, inconscients, pauvres jouets entre les mains du Pouvoir, de l’ogresse Pécresse. Et “je maintiens” et “s’il suffisait”, et “la notion de représentativité”, et “confusion” chez les autres, bien “dommageable”… Ca pense, mais creux et pas seulement. Ca exhale des humeurs mauvaises en s’étonnant de voir le débat qu’on appelle prétendument de ses voeux s’éloigner à mesure qu’on accumule les éléments qui le rendent impossible : la mauvaise foi, les coups de griffes, la hauteur, le mépris, les railleries piquantes. A bon débateur, salut.

  4. Sans projets d’avenir commun et durable, toutes ces gesticulations ne mènent à rien d’autre que ces conflits d’intérêts personnels…triste spectacle !…ça ne me donne même pas envie de lire les autres compte-rendus ! Il y a pourtant tant à construire ! Regrets !

  5. Les messages déplaisants ci-dessus mériteraient d’être signés clairement pour être légitimes. J’ai une grande réticence à voir se déverser un fiel anonyme. Cela me parait un vrai danger pour la parole publique et la démocratie. Et rappelle en France de très mauvais souvenirs.
    Je te suggère, Olivier, de modérer les commentaires dont on ne peut connaitre l’auteur. Sinon les commentaires de ce blogue vont devenir aussi insignifiants que dans bien d’autres trop proches des médias de masse.

  6. La confusion autorité/notoriété/représentativité est sciemment entretenue. C’est d’ailleurs la pierre d’angle d’une bonne partie de la politique de l’actuel gouvernement.
    Quant au ton des courageux messages ci-dessus, il laisse entendre qu’ils émanent de quelques-uns de ces brillants invités…
    La technique (éculée certes, mais toujours efficace) du “diviser pour mieux régner”, alliée à une bonne connaissance de la myopie égocentrique de nos congénères (bloggers ou pas), déjà employée par V. Pecresse pour semer la zizanie dans le mouvement étudiant, semble porter ses fruits.

  7. Jean-Michel> Et encore, ceux que tu lis ci-dessus ne sont pas les pires … (cf ceux de mon billet “quelle grève pour le 6 décembre) donc je croie que je vais m’y résoudre à regret …

  8. J’ai expliqué dans un deuxième long billet ma vision puisque la première, pourtant claire dans le premier billet ne vous a pas éclairé 😉 S’il y avait eu un truc important, une annonce importante, je n’aurais pas parlé du fromage… Résumer une conversation pourquoi pas … Donc j’ai informé mes lecteurs en parlant de fromage sur mon blog que je tiens bénévolement
    Je ne vous ai pas présenté comme un “gréviste” j’ignorais que vous l’étiez… Mais j’ai mentionné votre bandeau, celui que vous avez choisi de mettre en haut de ce blog
    Pour le reste, l’opposition blogueur-journaliste est totalement dérisoire.
    Amitiés

  9. Vous arrive-t-il de vous relire et de rigoler un bon coup ? Là, vous autres, vous qui en appelez à la raison, au débat, à la démocratie, menacée par les anonymes qui ne sont pas s’en rappeler les pires heures de l’histoire de France… Je m’appelle Jean, donc anonyme, parce que ma situation professionnelle ne me permet pas de m’exprimer à visage découvert. Je le regrette mais c’est ainsi. Cela m’interdit-il toute parole ? frappe ma parole d’illégitimité (sic) ? Je trouve au contraire mon propos, essentiellement goguenard, agacé aussi, particulièrement mesuré en regard du ton de désinvolture vacharde de ce billet. Je ne dis rien de plus, rien de moins, et ne menace en rien la démocratie… Quant aux leçons de courage données par ceux qui ne risquent pas grand chose, elles ne sont pas sans rappeler les pires heures, etc. et ainsi de suite, et même plus spécifiquement la onzième heure, celle où les résistants de cette heure tardive demandent des comptes, les ciseaux à la main, les ciseaux de la censure, et plus si occasion.

  10. A propos de l’anonymat, peut-être faudrait-il avoir un système de commentaire qui permette à ceux qui le désirent ou en ont besoin de s’identifier auprès de leur hôte blogueur et de solliciter une forme d’accréditation sous leur pseudonyme ?
    Sans quoi on tombe vite dans une forme de publication qui controuverait un délicieux commentaire chez maître Eolas par l’application d’un principe de gratuité :
    “La rémunération des délateurs a été introduit dans la procédure pénale par la loi Perben II. Et dire qu’il fut un temps où les Français faisaient ça gratuitement…”
    http://www.maitre-eolas.fr/2007/12/04/803-informatisation-du-parquet-cette-fois-ca-va-trop-loin#co
    (20e commentaire)

  11. Olivier étonnant de résumer un diner auquel tu n’as pas assisté uniquement en se basant sur les retours de certains invités (et pas tous au passage).
    Par ailleurs, je pense que l’objectif n’était pas de voir des experts de tel ou tel sujet (ça c’est facile pour le ministre, elle doit même les voir tous les jours devant sa porte) mais bien d’autres personnes qui peuvent elles aussi avoir un point de vue éclairé sur ces sujets! ce genre de rencontre permet certainement au Ministre ou à son entourage de confronter des positions sur les points que tu as listés dans ton article.
    Juste pour la petite histoire c’est moi qui ai lancé le sujet de la diffamation et je t’affirme que j’avais deux trois trucs à dire sur ce sujet!

  12. Sûr que notre ami Ertzscheid n’aurait pas autant d’état d’âme à se rendre au ministère s’il n’avait pas quelques bleus aux fesses. Faut comprendre ; la répétition des coups de pieds au cul (avril 2002 et mai 2007) ça laisse des aigreurs qui suintent encore de chaque ligne de ce blog.
    Certes, le doux rêve que tu caressais de cocooner en paix dans les jupons de la Royal, à l’abri des concepts vulgaires de performance, de résultat et de pragmatisme s’effondre avec Pécresse. Mais le monde change et faudra que tu t’y habitues : l’Education Nationale ne t’appartient plus. Tu la squattes et tu la dégrades depuis bien longtemps avec ton idéologie, mais t’es en voie d’expulsion. Et je suis sûr que tu trouveras finalement quelque jouissance à t’y réinstaller quand la rénovation sera accomplie et que tes aigreurs seront guéries.

  13. “Quant au ton des courageux messages ci-dessus, il laisse entendre qu’ils émanent de quelques-uns de ces brillants invités…”
    C’est pas moi m’sieur, j’le jure. Moi je signe mes commentaires.
    (signé : un ingénu).

  14. Je relève une petite erreur :
    “taux d’équipement des étudiants” (mais il n’y avait aucun étudiant)”
    Si, il y avait 2 étudiants : Frédéric Cozic (en fin de cycle) et Romain Colin.
    Comme quoi vaut mieux se renseigner avant de prononcer des jugements trop définitifs 🙂

  15. Eh bien, tout d’abord laisse moi te dire que ton article est très long. lol
    Ensuite, bah c’est tout de même très intéressant parce que je l’ai quand même lu jusqu’au bout, et sâche que ce n’est pas dans mes habitudes de lire des articles aussi longs qui parlent de politique en sus de cela.
    Donc moi je te dis châpeau, parce que les commentaires des autres qui ont aussi eu la meme passion pour écrire autant, bah je ne les ai meme pas tout lu! lol

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