Vote récréatif et lendemains qui déchantent.

Lors des élections présidentielles de 2002, la France avait porté au second tour Jean-Marie Le Pen. Tout le monde croyait cela impossible. Et tout le monde d’y aller de son couplet/refrain. "Que la france, pays des droits de l’homme, de la révolution française puisse voir arriver au second tour et blablabla et blablabla …". "Le choc", "Un séisme politique" nous disait-on. Provocations verbales, pensée nauséabonde, ambitions nauséeuses, héritage fasciste revendiqué et programme politique fascisant. L’homme du "dire" et des provocations verbales. Voilà pour Jean-Marie Le Pen. Hier soir, dimanche 22 avril 2007, 5 ans après, la France vient d’accorder une place au second tour à un homme qui, niant des pans entiers de recherche dans les domaines de la philosophie, de la sociologie, de la psychologie sociale, de la médecine et de la génétique**, n’a pas simplement "dit" mais "écrit" :

  • "Nicolas Sarkozy. : Je ne suis pas d’accord avec vous.
    J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est
    d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie.
    Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année,
    ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce
    que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable.
    Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les
    premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances
    ne font pas tout, la part de l’inné est immense.
    "

Tout y est : sophistique, coq à l’âne, légitimation de contre-vérités scientifiques dans l’ombre d’un pathétique appel au pathos, etc.
Pour cette raison et pour d’autres – mais elle eût été la seule que mon avis n’en aurait pas été changé – pour cette raison plus que pour tout autre, parce que je suis un citoyen ET un chercheur. J’ai eu dès hier soir la certitude que non, définitivement non, le 22 avril 2007 n’était pas celui d’un "retour aux urnes", d’un "renouveau démocratique", d’une "défaite du Front national" mais celui d’un pays qui au XXIème siècle peut démocratiquement porter à la tête de l’état un homme qui écrit que l’on "naît pédophile". Face au mépris, face à l’indigence d’une pensée pseudo-scientifique nourrie d’ambitions que je n’ose qualifier, je prône, simplement, l’avortement électoral. Celui qui, pour chaque lendemain de second tour à venir, nous laissera au coeur un goût amer. Le goût amer de la victoire d’un enfant. L’enfant Nicolas. Un enfant nommé plus qu’élu, au nom d’une panique républicaine qu’il entretient de manière autoréférentielle et pratiquement schizophrénique. La victoire d’un enfant. Bienvenue dans la cour de récréation française. C’est terrible comme modèle de société, une cour de récréation. Heureusement qu’aux abords de cette cour, traînent encore quelques maîtres d’école : Bernard Stiegler était cette après-midi l’invité de France Inter.

  • "Cette participation est le symptôme d’une panique. Le signe avant coureur d’un phénomène de décrochage. Décrochage politique d’abord."
  • A propos de Jean-marie Le Pen qui disparaît "au prix d’une extrême droitisation de tous les camps."
  • Le vote d’hier fût d’abord, "un mécanisme pulsionnel". "Ce n”est plus un public c’est une audience".
  • etc, etc.

A écouter de toute urgence (la dernière heure de l’émission). Et surtout à lire avant le second tour.

**Voir aussi : Axel Kahn et Michaël Dambrun.

6 commentaires pour “Vote récréatif et lendemains qui déchantent.

  1. C’est ce qui me fait peur avec ce mec :-/ et Royal me paraît tout sauf apte à diriger. J’hésite à voter blanc -_-

  2. Loran> Aucun courage dans cette prise de position. Les gens aux côtés du DAL, de RESF et tant d’autres, eux sont courageux. Je me contente d’exprimer confortablement une inquiétude et un ras-le-bol.

  3. Assez d’accord avec l’ensemble des propos de Bernard Stiegler sur l’antenne de France Inter. Mais au moment de voter, c’est quand même pour Bayrou qu’il a voté, et là, j’avoue, je ne comprends pas. Bayrou aurait fait une campagne digne ? Ni droite, ni gauche, c’est un peu court comme programme. Et du coup, je ne peux m’empêcher d’entendre ses propos sous un autre angle. Ce ton catastrophe. D’accord pour le constat, mais que faire pour y remédier ? Pour ma part, entre le placebo (Bayrou) la grippe (Royal) et le choléra (Sarkozy), je me soigne avec une bonne grogne, un bon grog (pas de saison, je sais) et je vote Royal…

  4. Bonsoir,
    Pour ce qui est de Sarkozy, honnêtement, je ne sais pas du tout s’il est plus compétent que son adversaire…
    Par contre, tu oublies (de dire) que les Français ont la mémoire courte : il y a eu Pétain et la rafle du Vél’ d’Hiv’, et à côté de ça, Le Pen, c’est du petit lait…
    Alors pourquoi pas Sarkozy, finalement ? Il n’est pas arrivé tout seul à ce niveau. Il y a quand même des gens (plein de gens) qui ont voté pour lui. On peut penser que ce sont des cons. Mais on est en démocratie ; on a le droit d’être con.
    OK, il a écrit une boulette plus grosse que lui. Mais combien de Français sont aussi ignorants que lui en matière scientifique ?… Ce qui m’inquiète plus, c’est que ses propos n’aient pas provoqué un plus grand tollé.
    Ca n’a pas changé… : « Du pain et des jeux. »
    (je suis un peu désabusé sur la nature humaine, je sais 😉 . Désolé…)

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