Bibliothèque universelle en Béta

Après les accords avec quelques éditeurs, Google vient d’ouvrir le volant français (mais pas uniquement) de Google Print. Le but de ce billet n’est pas de dire si cela est bien ou mal. En revanche quelle ne fût pas ma surprise (pour avoir déjà testé Google Print dans sa version anglophone, lancée il y a déjà quelques temps de cela) lorsque qu’après m’être mis en quête d’ouvrages traitant de "sérendipité", je tombe sur la page suivante :
Gp
Je ne rêve pas, on me demande de m’IDENTIFIER sur un service Google pour consulter les quelques pages disponibles (ce qui n’avait, à ma connaissance, jamais été le cas sur la version anglophone de Google Print, mais maintenant, cela l’est devenu***). Passablement énervé je clique rageusement sur le programmatique "Pourquoi?" figurant juste en dessous de la demande d’identification et me retrouve sur cette page de FAQ‘ qui à la question : "Pourquoi dois-je ouvrir une session pour accéder à certaines pages ?" répond :

  • "Les utilisateurs ne peuvent voir qu’une partie des
    livres disponibles dans Google Print, car la plupart de ces ouvrages
    sont encore sous droits d’auteur. Pour nous permettre de faire
    respecter ces restrictions, la consultation de certaines pages
    nécessite la connexion à un compte Google existant (un compte Gmail,
    par exemple) ou la création d’un compte. D’autres pages des mêmes
    livres sont disponibles sans connexion préalable. (…) N’oubliez pas que le but de Google
    Print est de vous permettre de retrouver et de découvrir des livres ( …).
    "

On va dire que j’ai mauvais esprit, mais entraver une fois de plus inutilement notre intimité informationnelle (j’ai le droit de lire ce que je veux, a fortiori quand je n’ai accès qu’à 4 pages) au nom du respect du droit d’auteur, faut être californien pour oser cette étrange casuistique. D’autant qu’au final, 4 pages dudit bouquin sont censées être accessibles. 1 sur 4 ne l’est définitivement pas (identification ou non) et porte la mention "Page à accès limité". Et les trois autres réclament donc une identification préalable.

Les enthousiastes diront que ce n’est déjà pas si mal. Pourquoi pas en effet. Il ne s’agit finalement que d’un catalogue commercial. Là où l’argumentaire de Google laisse (une nouvelle fois) pantois c’est lorsque l’on consulte le point 3 de leur FAQ que je vous livre en intégralité :

  • "Pourquoi ne puis-je pas trouver « La bibliothèque universelle parfaite » ?
    Google Print est encore en version bêta et nous ajoutons des livres
    tous les jours. Si vous ne parvenez pas à trouver un livre particulier,
    essayez d’effectuer une recherche sur les informations qui vous
    intéressent afin d’obtenir d’autres ouvrages traitant du même sujet.
    Par exemple, la liste de livres résultant de la recherche « aménager
    des placards » contiendra des ouvrages très différents, allant de
    l’approche psychologique à la fabrication de placards sur mesure."

Je résume pour les éventuels mal-comprenants (dont un certain J.L.Borges) : si la bibliothèque universelle parfaite n’existe pas, c’est parce que Google Print est en version béta ou encore Google Print EST la bibliothèque universelle !!!! J’avoue, j’ai mauvais esprit et sur le coup j’ai cru que c’était une blague réservée tout exprès au si récalcitrant public français, voire un message subliminal en forme de coup de pied de l’âne à Jean-Noel Jeanneney. Mais non, la version anglaise de la page de
FAQ’ donne la même question/réponse.
Bon, je vais faire un truc bizarre. Je vais aller dans un lieu public. Je vais entrer dans une salle emplie de livres complets. Je vais feuilleter (ou non) l’intégralité desdits ouvrages. Je vais faire cela sans que personne ne sache mon nom ou ne m’ait réclamé d’identifiant. Je vais aller … dans une bibliothèque. Certes pas universelle. Mais pas non plus en version bêta.

*** Peut être n’avais-je consulté que des ouvrages dans le domaine public mais il ne me semble pas … si quelqu’un peut confirmer ou infirmer …

7 commentaires pour “Bibliothèque universelle en Béta

  1. Pour l’obligation d’avoir un compte google, cela peut se comprendre par :
    – l’obligation de rentabilité d’un tel service gratuit : plus google enregistre de compte, plus il enrichit son fichier client (comme yahoo…), plus son fonds de commerce prends de la valeur, plus l’action monte 😉
    – l’obligation du respect des droits d’auteur qui est peut être plus renforcée sur le sol français : il doit controler qu’un même utilisateur n’accède pas à plus de 4 pages (pour bloquer l’astuce citée au dessus) ; 4 pages, ça dépasse quand même le simple droit de citation. On contourne aisément l’interdiction d’imprimer la page également (l’image de la page est dans votre fichier temporaire).

  2. L’ajout de l’identification pour consulter un ouvrage de google print a été ajouté au mois de juin ou juillet si mes souvenirs sont bons dans la version anglophone de google print. Cela doit traîner dans les billets de blogs ou dans les débats qui font toujours rage sur ce sujet sur Biblio-fr.
    Du coup, je suis bien embêté, je n’ai pas de compte Gmail et je ne veux pas en avoir pour les raisons que tu as évoquées dans un précédent billet et par conséquent, je ne peux pas avoir accès à google print…

  3. Désolé, mais pas vraiment d’accord. Je suis loin d’être un défenseur de Google, mais l’excès de critique amène à l’aveuglement :
    1) Google est plus victime que coupable sur la surenchère paranoïaque concernant le contrôle des droits d’auteur.
    2) La numérisation massive de livres a déjà sérieusement fait bouger les acteurs.
    3) La recherche plein texte dans des livres à cette échelle est un plus réel.
    4) La construction d’une bibliothèque mondiale de livres pose des questions inédites, comme : favorise-t-elle le conformisme ou la curiosité ?
    Reprocher à Google de profiler les utilisateurs, c’est comme reprocher à la TV commerciale de programmer en fonction de l’audience. C’est tout simplement son modèle d’affaires.
    Lui reprocher de ne présenter que des extraits, c’est se tromper de cible. Le reproche doit s’adresser aux ayant-droits. Google serait sans aucun doute enchanté de présenter l’intégralité du texte.

  4. Procès de l’universel

    C’est bien entendu du projet de bibliothèque universelle qu’il est ici question. Au lendemain du lancement de GooglePrint dans plusieurs pays européens, l’AAP attaque en justice. C’est une nouvelle fois la question du droit d’auteur qui est au centre d…

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