De nouveaux moyens sont à notre disposition pour nous permettre de faire face à cette refonte des codes de la communication qui nous étaient jusqu’alors familiers. Ils s’offrent comme autant de nouveaux supports, de nouveaux concepts visant à rendre tangible la réalité que recouvre l’organisation hypertextuelle.
Le premier est celui du connexionnisme qui nous place directement au cœur de la problématique hypertextuelle, considérant celle-ci comme la « simple » connexion de mots et de phrases. « [l’hypertexte est] une structure indéfiniment récursive du sens. Une connexion de mots et de phrases dont les significations se répondent et se font écho par-delà la linéarité du discours. » Lévy. Les liens et les nœuds hypertextuels correspondent à la mise en place de nouveaux signaux, de nouveaux signes qui – à l’image de la tabularité du codex venant remplacer la linéarité du volumen – jettent les bases d’une véritable herméneutique hypertextuelle, et de sa rhétorique propre.
Cette pensée connexionniste n’a de sens que si elle prend appui sur le support informatique, qui est la matrice première de l’essor de l’hypertexte. Mais là encore, même lorsque nous l’abordons par ce qui paraît être sa caractéristique principale, il semble une nouvelle fois, sinon se dérober à l’analyse, du moins faire ressortir une hybridation fondamentale.
- « D’un point de vue informatique, l’hypertexte est en effet un hybride qui transgresse les frontières établies. Il s’appuie sur la méthode des bases de données, mais substitue aux techniques traditionnelles d’interrogation des voies d’accès direct aux données. Il s’appuie aussi sur un schéma de représentation des connaissances, un type de réseau sémantique qui mêle des matériaux textuels peu organisés avec des opérations et des processus plus formels et automatisés. Il s’appuie enfin sur des procédés d’interfaçage intuitif, quasi-gestuel. » [Laufer & Scavetta 92 p.58]
Pour saisir toute la force de cette notion, il importe de ne jamais oublier qu’avant tout, l’hypertexte a été conçu comme un « outil », même si cet outil a eu, par la suite, des répercussions fondamentales sur notre perception de la réalité (qu’elle soit littéraire, technique, cognitive ou sociale).
- « L’hypertexte n’est pas une vision excentrique, un projet de recherche académique ou une théorie littéraire : c’est un outil et une affordance utilisé par des millions de gens (...) et tendant à l’être encore plus largement dans le futur. En lui-même, aucun outil ne peut changer le monde ; mais les changements dans le travail et la communication que les outils rendent possible peuvent être source de grands bouleversements. » [Moulthrop 96]
Moulthrop isole bien la direction de l’expansion du phénomène hypertextuel qui va de l’invention de l’outil à la refonte des codes de communication et des modes de travail. Pourtant, son postulat de départ est historiquement faux. Oui, l’hypertexte fut une vision « excentrique », d’abord présente chez Otlet, puis chez Wells, chez Bush et enfin chez Nelson. Oui, l’hypertexte – à tout le moins le réseau Internet sur lequel il repose – fut un projet académique de recherche développé par le gouvernement de la défense américain, puis repris au niveau européen et qui aboutit à la mise en place des réseaux de communication tels que nous les connaissons aujourd’hui. Oui, l’hypertexte fut également une théorie littéraire (que l’on se souvienne de Genette …) reprise et enseignée dans les universités (Stanford, Paris VIII …) au même titre que le structuralisme ou d’autres. Ces aspects se développèrent conjointement et de manière croisée. Le point de vue de Moulthrop reste cependant particulièrement pertinent, parce qu’il met l’accent sur le processus, sur la dynamique de ces interactions, impossibles sans l’avènement de l’outil.
Salut, grand bloggeur !
Ton initiative originale pose une intéressante question "médiologique" : est-ce que la "forme thèse" peut se recycler dans la "forme blog" ? Ou à l'inverse, la spécificité du blog (journal de bord, bloc-notes...) est-elle compatible avec le genre discursif, très spécifique, de la thèse, ou de l'article scientifique ? Puisque le découpage de ta thèse en messages aboutit à la production d'articles, ou d'extraits d'articles.
Pour ma part, et indépendemment bien sûr du contenu proposé (que je trouve passionnant), je ne suis pas très convaincu par ce "mélange des genres". Disons que je ne vois pas bien ce que le lecteur y gagne. Et je vois ce que "l'esprit du blog" (si on peut parler d'esprit) peut y perdre... : la fraîcheur, la nouveauté, la légèreté... Mais il fallait tenter et tu es peut-être en train d'inventer une nouvelle forme de publication scientifique : la thèse blogguée !
Amitiés à toi
Alexandre
Rédigé par : Alexandre | 08 septembre 2005 à 18:20
Salut Alexandre,
La "forme thèse" est avant tout un exercice de style avec ses codes et ses contraintes, formelles, stylistiques, typographiques et autres mots en "-iques".
Le blog est une plateforme éditoriale dotée d'une extraordinaire richesse documentaire (eu égard à l'aspect intuitif et automatique pour la mettre en oeuvre) : je veux parler des possiblités de recherche, d'indexation croisée, de catégories multiples, de classement chronologique, etc. En plus de cela il s'agit (à mon avis) de la première formé éditoriale inédite née du web.
Enfin il permet une adéquation entre une architecture formelle (la forme donc) et une logique de contenu (le fond). Mieux : il rend "naturelle" cette adéquation : on écrit court, on indexe vite, une idée par paragraphe là où avant on était toujours tenté de délayer, de forcer des transitions tout sauf naturelles entre différents points, etc. Sur un blog, on est comme astreint intellectuellement à cette écriture fragmentaire.
Je résume : la thèse = un exercice de style ; le blog = une plateforme éditoriale + une richesse documentaire naturelle.
Il ne s'agit donc pas de "recycler" l'un dans l'autre, ce qui est, comme tu le soulignes, aussi incompatible qu'innaproprié ou ressemblerait à une étrange quadrature du cercle.
En revanche je pense que dans l'optique d'une diffusion vers un public (si restreint soit-il), l'une (la thèse) à tout intérêt à tirer avantage des aspects éditoriaux et documentaires de l'autre (le blog). Ce qui ne veut pas dire qu'on est en train de donner naissance à une forme hybride (la thèse blogguée ...). Il y aura au final sinon deux "genres" à tout le moins deux "textes" distincts : d'un côté la thèse, réclamant une linéarité de la lecture (sinon de la pensée) et avec comme objectif d'amener le lecteur d'un point à un autre selon une méthodologie explicitée à l'avance. De l'autre nous aurons un "blog de thèse", dont l'objectif sera, par petites touches, de fournir au lecteur curieux une série de textes relativement autonomes dans leur appréhension immédiate et pouvant, grâce aux outils documentaires embarqués dans le blog lui donner une image de la forme globale de l'argumentaire déployé dans la thèse proprement dite. AJoutons à cela que tout ce que je viens d'écrire ne rime à rien si l'on n'y ajoute pas un "pacte lectoral" : quelqu'un qui lirait aujourd'hui trois billets puis dans 6 mois trois autres n'aurait effectivement aucune idée de la forme globale. Mais un lecteur qui, de temps en temps, prendrait en chemin la lecture d'un billet, puis d'un autre, serait comme "invité" à l'intérieur de la thèse (à condition qu'il accroche et/ou qu'il y trouve un quelconque intérêt et/ou que cela lui apporte une quelconque satisfaction intellectuelle). Je cherche une image pus parlante que cette longue phrase ... Disons que nous aurions deux tableaux représentant le même motif (la joconde par exemple) : l'un par un portraitiste de la renaissance et l'autre par un adepte du pointillisme : les deux formes sont identiques, il s'agit dans les deux cas d'un portrait de la Joconde, pourtant tout diffère : le ressenti esthétique, la technique déployée et notre grille de lecture et d'appréhension.
Bon c'est pas tout ça mais j'ai une thèse à blogguer ;-))
Rédigé par : Olivier | 08 septembre 2005 à 21:17
Salut Olivier,
Je te réponds rapidement sur quelques points, car cette discussion amicale est très intéressante (et il faudrait peut-être la développer) :
- la thèse comme exercice de style ? un peu réducteur quand même ! une thèse reste avant tout un travail de recherche, censé faire progresser une infime partie de la connaissance et par ailleurs elle obéit à des contraintes éditorales, institutionnelles... très précises. Mais on ne peut la réduire à un simple exercice de style.
Je crois d'ailleurs, pour nuancer ou développer ce que j'ai dit un peu vite, qu'on ne peut pas comparer terme à terme la thèse et le blog, l'une étant un "genre" de publication scientifique (comme l'article, la communication, le preprint, le rapport..) et l'autre, comme tu le soulignes, une plate forme éditoriale. La question est le "rapport de compatibilité" de l'un à l'autre. Or, l'une des principales caractéristiques du blog, comme tu le sais mieux que moi, est bien le découpage temporel, la succession chronologique, d'où le nom de journal de bord. Même si le blog permet incontestablement un enrichissement documentaire (par le jeu des liens, la blogroll, l'archivage...), il reste avant tout un dispositif d'ordre "temporel", si j'ose cette expression, de l'ordre du journal, de l'instantané, de l'actualité... Alors que la thèse traduit et repose sur un tout autre rapport au temps (de l'écriture comme de la lecture). Et sur le blog, le pacte de lecture, dont tu parles, s'apparente davantage à celui qui relie le lecteur à son quotidien préféré, et en cela, le blog n'invente peut-être pas grand chose et donne toute la puissance du numérique à ce vieux média qu'est la presse quotidienne. Attention : je ne veux pas dire que le blog n'est qu'une forme numérique du journal : il est bien sûr beaucoup plus et son intérêt vient entre autres qu'il fusionne différents moyens d'expression classiques : journal intime, journal, fil d'agence, etc. plus sa propre spécificité.
La question qui se pose par rapport à la thèse est celle de sa transformation, non seulement en une multitude de billets qui risquent de la fragmenter, mais surtout en une sorte de "feuilleton" des temps numériques, dont les lecteurs, présupposés impatients, attendraient chaque nouvel épisode... (ce dont on peut douter :) )
Pour accentuer le propos, je fais encore la comparaison avec un quotidien, qui s'aviserait de publier au long cours une thèse, avec un ou deux extraits par jour... Si la thèse gagnerait peut-être en notoriété, elle y perdrait en cohérence et le journal sûrement des lecteurs.
Bien sûr, la comparaison n'est pas juste et le blog n'est pas un quotidien.
Il s'agira bien d'autre chose et comme tu le dis, de deux textes différents. Et si j'aime bien ton image des deux tableaux, je ne suis pas sûr que ta thèse classique et ta thèse blogguée, au final, ne représentent le même motif !!
Cela dit, ton expérience pionnière reste très intéressante, même si elle soulève beaucoup de questions (et un peu de scepticisme...)
Bon courage et amitiés
Alexandre
Rédigé par : Alexandre | 09 septembre 2005 à 10:45
Re ...
C'est vrai que j'ai un peu schématisé en ramenant la thèse à un exercice de style ... Tu fais bien de pointer le rapport au temps pour ce qui est de la lecture d'une thèse et d'un blog. Même si je suis de moins en moins convaincu que ce rapport au temps soit la vrai spécificité de certains types de blogs (hors des authentiques carnettiers et journaux intimes). Il n'est qu'à regarder Urfist info pour voir que le temps n'y occupe finalement que peu de place : ce n'est pas cela qui "fait sens" et donne de l'intérêt à ce type de blog. Le rapport à la temporalité est instrumentalisé de manière totalement transparente et il n'est "qu"un" des outils documentaires pouvant servir de support à la recherche et à la navigation.
Pour le reste tu es peut être dans le vrai en ce qui concerne le risque de perte de cohérence mais je continue de croire que l'effet inverse peut aussi être observé. Evidemment là on sort du cadre général et cela ne s'applique pas à TOUTES les thèse. Mais au moins pour la mienne, "objet transitionnel" comme l'avait aimablement (sic) qualifié l'un des membres du Jury, thèse donc qui s'efforce de dérouler une analyse épousant les contours de son objet (l'hypertexte), je pense que la réécriture peut apporter des choses (l'avenir dira quoi ...)
Enfin pour conclure j'ai toujours été fasciné (un vieux vernis d'études littéraires) par les figures du palimpseste et plus généralement de réécriture. Ca me permeet donc d'expérimenter à mon échelle la sensation étrange de mise en situation de "réécriture de sa propre écriture".
Bon, on le monte quand ce séminaire recherche sur la compatibilité des genres ?
Rédigé par : olivier | 09 septembre 2005 à 11:34
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Rédigé par : irqnabau | 06 mai 2013 à 19:33