Les 19 morts d’Andreas Lubitz.

<Je pose ça là pour y revenir plus tard si j'ai le temps>

Quelques heures à peine après l'annonce du nom du co-pilote impliqué dans le crash de Germanwings, Andreas Lubitz, plusieurs dizaines de pages Facebook ont surgi ou ont été automatiquement générées sur le mode des "pages communautaires".

Lubitz-1649Copie d'écran réalisée à 16h49.

L'annonce du nom du co-pilote et de son possible "suicide" a été annoncée et relayée dans les médias autour de 12h45. Vers 14h on comptait déjà une dizaine de pages associées à son nom.

19 pages exactement, reprenant pour la plupart ce qui semble être la photo de profil du … profil officiel d'Andreas Lubitz.

Comme le montre la copie d'écran, le co-pilote est tour à tour associé aux qualificatifs de : "comédien", "artiste", "personnage de fiction", mais également "meurtrier", "assassin" ou "terroriste". Naturellement le contenu de certaines de ces pages pourra heurter ou choquer : ainsi l'auteur de la page "parodique" "Andreas Lubitz. Artiste" poste des photos et statuts s'amusant du goût du copilote pour les vols à basse altitude. Chacun appréciera, mais le fait est que ce type "d'humour" transgressif y compris et surtout en réaction à chaud à un événement reste un marqueur fort de la "culture web". Et cet "humour" est par ailleurs contrebalancé par les pages qui, à l'inverse, rendent un peu hâtivement justice en qualifiant le co-pilote de meurtrier, d'assassin … ou de terroriste.

Copilote-artist

Ce qui semble être la page de profil officielle d'Andreas Lubitz affiche quant à elle la mention "remembering", indiquant que l'utilisateur est effectivement décédé. Sans qu'il soit d'ailleurs possible d'établir avec certitude si c'est le co-pilote qui, prévoyant un suicide, avait "activé" cette fonctionnalité, ou si ce sont ses proches qui ont demandé à Facebook de l'activer, ou si – hypothèse la plus probable – c'est Facebook qui a de lui-même activé la fonction "mémorial" de la page suite au traitement médiatique de l'affaire et probablement au nombre de visites inhabituel sur ladite page (sachant que toutes les rédactions de la planète ont du passer sur le profil pour essayer d'en tirer quelque chose …)

Remembering

Impossible d'apprendre quoi que ce soit depuis le profil "public" d'Andreas Lubitz, si ce n'est qu'il avait "liké" différentes pages dont celle de son employeur (la Lufthansa), celles de groupes humoristiques sur l'aviation, qu'il aimait bien David Guetta et quelques autres babioles, et qu'il ne postait que peu de choses sur son profil. Impossible également de consulter la liste de ses amis : le passage en "mémorial" de la page bloque l'accès à la liste d'amis.

On peut en revanche les retrouver (si on est journaliste et si on a des questions à leur poser) en cliquant sur les "likes" figurant en dessous de chaque statut, ce qui permet – accessoirement – de vérifier qu'il s'agit bien de la vraie page du vraie Andreas puisqu'on identifie rapidement des profils "amis" qui ont changé leur photo de profil dès le 24 Mars pour un ruban noir orné du signe 4U9525, l'immatriculation du vol de GermanWings.

Amispilote

Il est probable que dans le cadre de l'enquête ses "amis" seront ainsi identifiés pour être interrogés. Il est probable également que Facebook dispose d'informations utiles à la justice sur le "profil psychologique" du co-pilote au travers des échanges (privés) de celui-ci sur la plateforme (Tchat par exemple).

Si il est avéré qu'il s'agit bien d'un acte délibéré du co-pilote, et si cet acte relève d'intentions suicidaires, il deviendra alors assez vertigineux de se replonger dans les récentes annonces de Facebook sur son ambition de déployer un kit anti-suicide pour ses utilisateurs.

Et de se demander si le déploiement de ce kit aurait pu permettre d'anticiper les éventuelles intentions suicidaires d'Andreas Lubitz et d'éviter ce drame. Et de se demander quel niveau de surveillance ou de détection de nos moindres possibles intentions nous sommes prêts à accepter à l'échelle individuelle et à l'échelle collective, quelle liberté nous sommes prêts à sacrifier si cela peut permettre une fois tous les 10 ans de sauver ne serait-ce qu'une dizaine ou une centaine de vies. Mais pour l'instant, cela fait beaucoup de "si". Et c'est précisément le genre de questions qu'il ne fait jamais se poser au moment d'un drame. Jamais. Les réponses émotionnelles ne sont jamais les bonnes.

<Mise à jour 19h00>

A 19h14 ce soir nous en sommes à non plus 19 mais 29 pages créées sur Andreas Lubitz. Je place une copie d'écran des dernières créées.

Lubitz-19hCopie d'écran réalisée à 19h15

"Pourquoi a-t-il fait ça ?", "le cochon" (Das Schwein"), "est innocent" (ist unschuldig), "Allahu Akbar", voilà quelques-uns des nouveaux qualificatifs accolés à ces pages. A noter – ce n'est pas une surprise – que le nombre de "like" de la 1ère page communautaire créée attire logiquement à elle l'essentiel des nouveaux "likes" (2692 likes à 19h contre 1300 vers 16h).

<Mise à jour 27 Mars à 9h>

Nous en sommes ce matin autour de 40 pages créées ou générées automatiquement, dont :

  • 5 pages ne comportent aucun "Like",
  • 18 pages ont moins de 10 likes,
  • 9 pages ont entre 10 et 100 likes …

Soit autour d'une grosse trentaine de pages assez "insignifiantes". Reste 10 pages qui drainent l'essentiel des "likes", avec une prime – classique – aux pages les plus anciennes (les 1ères créées), les plus "décalées" ou les plus "engagées" (émotionnellement). Pour le reste, je vous ai fait un joli tableau :

Diapositive1

 

Voilà pour l'instant. Je mettrai à jour ce billet au fur et à mesure si je repère d'autres phénomènes documentaires pertinents.

 </Je pose ça là pour y revenir plus tard si j'ai le temps>

Un commentaire pour “Les 19 morts d’Andreas Lubitz.

  1. Bon, donc une quarantaine d’abrutis ou opportunistes se fendent de création de page à propos d’un présumé responsable de 150 morts, au principal profit de Facebook (cf. leurs ToS) — et des milliers (?) de prolétaires intellectuels, quoique connectés y vont…
    Finalement, qu’il n’y ait que 40 pages serait plutôt encourageant quant à la résilience intellectuelle des adeptes des réseaux sociaux.
    Je devrais peut-être revisiter mon opinion quant au monceau d’idées reçues et de minables quêtes de pouvoir ou d’auto-satisfaction qui prévalent depuis le ‘web 2.0’…

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