Internet 1993 – 2014 : l’humanité sans objet(s)

Le web a 25 ans. Et 2 cartes.

La première

Internet1993

La seconde.

Internet connectivity map

1993.

La 1ère carte date de 1993. Le web a alors à peine 4 ans. C'est l'année du premier navigateur "grand public" baptisé Mosaïc. Cette carte créée par des chercheurs des laboratoires Bell avait pour objectif de répondre à la question : "à quoi ressemble internet ?" en représentant le trafic entre les différents pays et continents.  

2014.

Deuxième carte. 21 ans après la première. Le web a désormais 25 ans. Et la révolution en marche est celle de l'internet des objets, représentée sur cette carte à partir des données de Shodan, un moteur de recherche dont l'objectif est de repérer et de localiser l'ensemble des objets connectés. Cette deuxième carte est l'un des éléments de réponse à la question : "à quoi ressemble l'internet d'aujourd'hui."

1993-2014

Internet1993Internet connectivity map

Les similitudes entre les deux cartes sont frappantes : même zones d'ombres, mêmes continents "déconnectés", mêmes zones et points chauds dans lesquels culmine le "trafic", mêmes réalités socio-économiques qui sous-tendent l'ensemble. Même invitation à se souvenir d'où nous sommes partis.

1969

Arpanet2

Arpanet3

1969. Le réseau Arpanet compte 4 noeuds de connexion. Septembre 1971 : moins de 20 noeuds. Ne pas oublier d'où nous venons, et où nous sommes parvenus. 

L'humanité sans objet.

Ne pas oublier ceux qui restent privés de l'internet d'hier, celui des pages web, ou de l'internet d'aujourd'hui, celui des objets. 1993-2014. Le web a 25 ans. Et déjà trois révolutions coperniciennes de la planète web : web des pages, web des profils, web des objets. Trois planètes web mais une seule terre. 7 milliards d'Hommes, 3 milliards d'internautes, 1 milliard de sites web, 1,5 milliard de comptes Facebook. Et un vieux rêve. Pas celui d'un village global, ces cartes sont là pour nous le rappeler. Un autre vieux rêve dans lequel chaque homme pourrait disposer d'une page et d'une adresse.

Un rêve qui reste encore à bâtir à l'échelle de ces zones d'ombres à chaque fois renouvellées, à chaque fois nous rappelant que les autres … que les autres sont toujours les mêmes, la même humanité, sans connexion, sans pages, sans profils, et demain l'humanité sans objet(s)**. 

**en l'écrivant j'ai bien conscience qu'il faut un peu nuancer cette affirmation : au-delà des continents ou pays effectivement sans connexion (parce qu'ils ont d'autres soucis à gérer, genre se nourrir ou ne pas crever … de faim), ces peuples voisins, ces continents entiers qui apparaissent comme autant de zones d'ombres, disposent parfois bien sûr de "leur" internet, un internet également fait de pages, de profils et de quelques objets connectés mais le tout dissumulé derrières différents firewall politiques, économiques ou religieux.

Et l'avenir reste assez sombre du côté des seuls projets portés par Mark Zuckerberg (Internet.org) dont l'ambition de permettre aux pays non actuellement "couverts" d'accéder à internet cache un bien plus prosaïque et inquiétant projet qu'une partie de l'humanité n'accède in fine à cette métonymie sociale du web qu'est devenu Facebook, comme Google avant lui fut la première métonymie de l'accès à l'information à l'échelle du web. Ce qui ne souligne que davantage l'intérêt de poursuivre notre rêve.

La carte et le territoire.

Cette "magna carta" de l'internet que Tim Berners Lee ne cesse d'appeler de ses voeux depuis plus de 2 ans ne pourra être que le reflet du territoire qu'elle prétend couvrir. Et de la réalité socio-économique des territoires qu'elle ne couvre pas. C'est à l'évidence par ceux-là qu'il nous faut commencer, car comment jouir d'une quelconque victoire – pour l'instant improbable – sur le sujet de la "privacy" ou du "droit à l'oubli" sans imaginer ce que ces notions représentent à l'échelle des nations, des peuples, et des continents sans lumières sur nos cartes américano-européennes "éclairées" ? En continuant de faire ce que nous faisons déjà, c'est à dire jeter un voile pudique sur l'insoutenable humanité qui agonise. Mais il y avait quelque chose dans le projet baptisé "web" qui était supposé sinon abolir les inégalités, du moins permettre que chacun se sente plus concerné, plus impliqué, que chaque voix compte. De Charybde en Scylla. Tu voulais du web sémantique ? T'auras des frigos qui twittent. Tu voulais de la "privacy" ? T'auras du quantified-self. Tu voulais une page ? Tu auras 20 profils. Tu voulais une adresse ? Tu seras locataire de parcelles à la découpe aux mains de quelques banquiers plénipotentiaires de l'accès et autres banques de l'attention.

Il n'est jamais trop tard pour changer. Il n'est d'asservissement que consenti. D'avilissement que négocié. Reprenons les clés du code. Redevenons navigateurs. Il n'est de servitude que volontaire.

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