God Save The Wall.

Dieu c'est Mark Zuckerberg. Le mur, c'est celui de Facebook. Ce qu'il y a à sauver c'est le temps d'attention disponible. Et le moyen de le faire c'est – peut-être – un bouton "Save".

Car le ouèbe bruisse d'une nouvelle rumeur, copie d'écran à l'appui, Facebook serait en train de tester l'ajout d'un bouton "Save". C'est à lire sur Techcrunch et par ici en français.

Save-3

L'histoire des boutons sur Facebook est à elle seule un maronnier. Depuis le lancement du "Like" (qui tua le lien et imposa la rediffusion au détriment du partage et d'une appropriation réelle), depuis le lancement du Like, disais-je, certains attendent toujours un hypothétique "Dislike" (je leur souhaite de la patience tant l'issue est peu probable), d'autres – dont votre serviteur – analysèrent l'arrivée probable d'un "je veux" et d'un "je possède" pourtant toujours inexistants.

1 Web Biactol.

Plus globalement la multiplication des fonctions acnéiques transformant l'interaction en de simples logiques de pousse-bouton est au coeur de la stratégie de l'ensemble des grands biotopes informationnels, de Amazon à Google en passant par Twitter et Facebook, pour les raisons détaillées dans ce billet : "L'indexation est-elle soluble dans les boutons", dont je rappelle la conclusion pour les fainéants de la relecture :

"les boutons improprement désignés comme boutons "de partage" laissent toute la valorisation, toute la thésaurisation à la seule discrétion des sites hôtes (Google pour le +1, Facebook pour le Like, etc.). Ce partage là n'en est pas un. Ce partage là est l'avatar d'un capitalisme linguistique, d'un libéralisme cognitif qui vise à mettre à disposition de quelques-uns l'usufruit du labeur documentaire de chacun d'entre nous."

To Save or To Share, That is The Question.

Et la question est centrale. A l'instar des moteurs de recherche devenus marque-pages, et à l'unisson des stratégies d'externalisation de nos mémoires documentaires et sociales, il s'agit pour les usagers de se voir offrir la possibilité de ralentir l'incessant défilement d'un mur aux allures de caverne platonicienne.

Il s'agit également pour Facebook de remplir 4 objectifs :

  • capitaliser sur ce ralentissement sans friction, sur cet archivage à la volée, pour documenter et caractériser encore davantage et de manière encore plus ciblée nos stratégies attentionnelles individuelles ;
  • pouvoir continuer de nous enfermer entre 4 murs, pour se couper des dernières externalités dont il – Facebook – dépend encore ;
  • relancer les interactions au sein du site (qui sont en baisse constante) par un nouveau possible circuit de diffusion / circulation de contenus déjà postés (une sorte de recyclage documentaire)
  • optimiser (la marge de progression en encore grande …) l'engagement et la circulation des contenus en provenance d'autres sites "médias" et de faire en sorte que la consultation des "actualités" dans Facebook ne soit plus uniquement une "incidental experience".

Saved-button

Enfin, il s'agit d'être raccord avec la stratégie de la firme sur les terminaux mobiles (et l'évolution des usages dans ce domaine), nombre de pratiques nomades renforçant la célèbre FOMO (Fear Of Missing Out = "peur de manquer quelque chose") en proposant aux usagers la possibilité d'un accès asynchrone à des news qu'ils auraient vu défiler mais n'auraient pas eu le temps de consulter. Une sorte de réassurance documentaire.

To Save Or To Share = To Shave

A force de travailler ainsi sur les logiques d'archivage (save) et de pseudo-partage (share), se confirme la troisième voie, celle du "shave", c'est à dire littéralement la "réduction", la "diminution", le "rabotage" de ce qui, au yeux de certains utilisateurs en train de déserter le site, est de plus en plus perçu comme des publications de "raseurs". #CQFD.

God Save the Like ?

Basiquement, et si l'ajout du bouton "save" se confirme, Facebook s'adjoindra l'une des fonctions documentaires de base, celle de l'archivage, et pourra proposer des parcours et des stratégies de lecture, de navigation – et donc de monétisation – plus riches et diversifiées. Ce qui est parfaitement cohérent avec l'analyse de Fred Cavazza : "Les médias sociaux sont en train de perdre leur aspect social pour renforcer leur côté média." Or il ne peut y avoir de média sans archives. Le propre d'un média est de fabriquer de l'archive.

On peut même imaginer un déploiement de ce bouton "Save" sur des sites tiers, à l'image du phagocytage opéré par le bouton "Like", ou, à défaut et dans un premier temps, que nos "likes" à l'intérieur ou à l'extérieur de Facebook nous soient alors proposés à l'archivage, à la sauvegarde.

les médias sociaux sont en train de perdre leur aspect “social” pour renforcer le côté “média”. – See more at: http://www.mediassociaux.fr/2014/04/08/transformation-facebook-twitter-en-medias-payants/#sthash.IU1arg18.dpuf
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Panem et circenses.

Du pain et des jeux. La paix sociale (romaine) était à ce prix. Le pain aujourd'hui, c'est le bouton. L'arène de l'information, c'est Facebook. Des milliers de pouces levés. Pour sauver quoi ? Du temps d'attention ? Alors on met des boutons. Le degré zéro de l'interaction. Un seul suffit. Qui nous ferait presque oublier que le plus gros des big red buttons est rectangulaire. Et bleu.   

 

 

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