Du “cloud computing” au “home computing” : comment le web devînt fractal.

Cloud computing.
On connaissait déjà depuis quelques temps l'âge d'or, les promesses (et
les dangers) du "cloud computing", de l'informatique dans les nuages.
Le réseau internet repose depuis son invention sur une architecture
"client-serveur". Le cloud computing permet à chacun de nous d'être les innombrables "clients" (au double sens du terme) d'une gigantomachie dans laquelle Google, Amazon et quelques autres s'affrontent à grands coups de datacenters et autres "fermes de serveurs". C'est là le climax d'une polarisation extrême de l'architecture client-serveur.
Home computing.

Imaginons maintenant que la polarisation s'inverse et qu'au lieu de disposer de quelques giga-serveurs centralisant l'offre de contenus et de données de la planète internet toute entière, nous retrouvions une architecture dans laquelle chacun d'entre nous demeurerait client mais disposerait à part égale de la possibilité de devenir un serveur. Une sorte de forme réinventée et légèrement décalée de l'architecture peer-to-peer (ou le passage par un point nodal externe aux clients connectés reste obligatoire). Imaginons donc que chacun de nos ordinateurs personnels, via son navigateur, puisse devenir son propre serveur et ainsi proposer à des tiers d'accéder librement à son contenu (téléchargement d'images, de films, de musique) voir même auto-héberger des pages web. C'est la prouesse (?) que vient de réaliser le navigateur Opera avec le lancement d'une nouvelle version de son navigateur baptisée "Opera Unite".

Le WebOS enfin réalisé ?
Il y a belle lurette que la guerre des navigateurs fait rage. Il n'est donc pas impossible que cette sortie soit d'abord un coup marketing pour permettre à Opera de sortir de la zone de confidentialité dans laquelle Internet Explorer, Chrome et Firefox le relèguent. Mais. Mais je viens de tester et d'installer Opera Unite avec un camarade de jeux qui a bien voulu en faire de même. Et le fait est que c'est totalement bluffant.
L'avènement de l'informatique dans les nuages a fait du webOS un enjeu central pour les grands acteurs de l'internet. Comme je l'écrivais dans ce billet :

  • "Après la migration en ligne des applications (bureautique …), des
    services (logiciels, Saas) et des comportements (dérive des continents
    documentaires), le Web est devenu l'OS (operating system) de demain.
    Manquait encore à cet OS une interface, une fenêtre. Cette fenêtre,
    c'est le navigateur.
    "

Fractale_1 Le web fractal. Le webOS était donc réalisé, incarné, sur la scène et sous les auspices des quelques géants du cloud computing, de l'informatique distribuée, "dans les nuages", mais tout aussi massivement distribuée que commercialement vérouillée.
Si la poursuite des essais d'Opera Unite demeure concluante, si celui-ci tient toutes ses promesses, c'est à un nouvel avatar du web qu'il va falloir nous habituer. Un web parfaitement et rigoureusement fractal. Chaque navigateur de chaque ordinateur connecté au réseau devenant son propre client, son propre serveur, son propre client-serveur, son propre internet. C'est là tout l'enjeu du Home Computing.

Quelques réflexions à chaud : vers une nouvelle partition des flux numériques.

  • Tout comme le cloud computing adressait – au sens strict – d'énormes problèmes de confidentialité, ses principaux acteurs disposant de tous les moyens et de toutes les ressources pour constituer une base de donnée des intentions à l'échelle planétaire.
  • Si Opera Unite s'installe dans les pratiques, les marchés des industries culturelles et les projets ubuesques "Hadopi-like" risquent fort de n'avoir pas 6 mois mais bien 10 ans de retard. R.I.P. Hadopi. R.I.P. Christine Albanel. R.I.P. Pascal Nègre. Ce pourrait être un électrochoc comparable à celui que représenta l'avènement de peer-to-peer il y a de cela quelques – courtes – années.
  • Dans une telle configuration, impossible – sauf pour Opera … – de contrôler quelque flux que ce soit, sauf à imposer des fichiers mouchards à tous les ordinateurs individuels de la planète, ou sauf à transformer tous les FAI (fournisseurs d'accès à Internet) en zélés délateurs doublés de Vidocqs des réseaux.
  • Cette nouvelles architecture fractale du Home Computing va également poser, non plus aux autorités politiques, commerciales ou judiciaires, mais bien aux utilisateurs eux-mêmes, d'énormes problèmes de confidentialité et de sécurisation de leurs données personnelles. En poussant à peine un peu les scénarios imaginables, on pourrait même se retrouver dans une situation diamétralement inverse à celle que nous connaissons actuellement, situation dans laquelle les particuliers confieront (pour des raisons de sécurité) leurs données importantes aux des acteurs majeurs du cloud computing, pour laisser le home computing transformer leurs ordinateurs personnels en simples terminaux d'échanges. Une virtualisation totale de l'échage et du stockage numérique, mais avec une nouvelle "partition" (au sens informatique du terme) des espaces et des termes mêmes de l'échange. 

Quelques liens pour une découverte plus approfondie de l'outil et des enjeux :

(Sources : sous les liens // Temps de rédaction de ce billet : 2 heures, tests du navigateur non-inclus 🙂

5 commentaires pour “Du “cloud computing” au “home computing” : comment le web devînt fractal.

  1. Si je comprends bien, c’est une sorte de généralisation – au niveau du navigateur – des possibilités de partage poste à poste disponibles entre les Mac connectés en réseaux depuis de bien nombreuses années… Non ? J’ai loupé quelque chose ?
    Si ne m’abuse, à peu près toutes les application Mac made in Apple permettent de tels partages en réseau. N’importe quel Mac connecté est un serveur en puissance. Non ?
    On peut du coup se demander pourquoi ça n’a pas pris plus que ça (malgré la remarquable facilité d’utilisation)… Les Mac user’s ont une petite expérience du sujet, on peut peut-être vous dire pourquoi… 😉
    Le premier obstacle a été clairement que ce système ne fonctionne qu’entre les utilisateurs d’une même plateforme. Mac OS n’a jamais atteint une masse critique d’utilisateurs suffisante pour faire décoller ces usages. Opéra y parviendra-t-il ? Le chemin semble long et difficile…
    Second point crucial : ces applications demandent une connexion de nature synchrone, simultanée. On est donc dans un usage de type partage-tchat en direct, sauf à ce que – comme le souligne Philippe.Scoffoni.Net (ton premier lien) – on laisse nos machines connectées 7/7, 24/24.
    C’est un problème qu’Apple avait tenté de résoudre avec ses iDisk, ou disques virtuels de partage (payants à travers l’abonnement désormais nommé MobileMe), c’est à dire, au fond… par du cloud computing !
    Ça n’a pas rencontré un succès fulgurant, si je ne m’abuse. Non ?
    A moins que je ne me trompe complètement, et que le service proposé par Opéra soit vraiment de nature totalement différente, voire révolutionnaire, bien sûr… 😉

  2. Bonjour,
    plusieurs remarques:
    1) le “home computing” ne va pas dans le sens du green IT (tous les pcs allumés doivent etre allumés tout le temps)
    2) Il n’est pas possible d’heberger chez soi des applis pros ou semi pros (qui sont quand meme la cible des acteurs clouds computing). Ce n’est pas possible, pour des problemes de securité physique, energetique, informatique… Ce n’est pas possible aussi, parce que faire du support IT ca induit des process (incident management, problem management, release management…) et surtout ca induit une gestion des backups/restore. Ce dernier point est malgré les apparences très complexe.
    3) Concernant le controle des flux, et la mise en place de darknets (tor like) basés sur des browsers, l'(a) (r)évlution semble venir de HTML 5, cf le projet Veiled qui devrait bientot être dévoilé http://tinyurl.com/nve48q .
    Bonne journée

  3. “Les termes de l’échange”, c’est bien là aussi que réside une des clés du cloud computing, les termes et les conditions dans lesquels sont hébergées les données. Sur le site de la FFI on trouve un définition intéressante du Total Information Outsourcing qui permet selon les conditions du service de définir si il est “Libre” ou pas : http://tio.ffii.org/Tio_Libre_Definitions

  4. Pour ma part, je suis une actrice de cette tendance du “home computing” ayant mon propre serveur chez moi, auquel je peux me connecter avec mes vieux portables clients qui fonctionnent encore. Il me sert de serveur téléphonique, de stockage et partage de fichier, de backup, etc. Et aussi je suis en train de le configurer pour que je puisse utiliser un logiciel libre qui permet de faire de l’analyse qualitative de données (Cassandre). Bref, c’est sur que si l’appart brûle je serai mal barrée, m’enfin.

  5. Hé, rigole, j’y ai eu droit, disque dur principal et disque de sauvegarde crâmés en même temps, défaut physique, 10 ans de boulots et ressources diverses disparus…
    Et ben, tu sais quoi : on s’en remet très bien :p et je préfère encore les savoir dormir sur des supports qui seront un jour réparés que triturés par des outils d'”analyse qualitative de données” made by google, amazon et consorts…
    Anecdote mise à part, je m’étais pris la tête voilà cinq (!) ans sur le découpage adéquat entre off et online. Les premiers travaux sont d’ailleurs sur ces mêmes disques “crâmés” :'(
    Ca ressemble à Opera Unite, sans Opera… A savoir, un package Apache + applis en PHP/Perl/Java/… (au choix) + SSL, accompagné d’un ipTables préconfiguré et doté d’une interface graphique valable. Côté navigateur et OS, les gens sont libres, après tout. Ce qui compte, c’est qu’ils puissent aisément dire : le répertoire “Mes documents\docspourtoi” ou “/home/moi/docspourtoi” est partagé, et vers qui.
    En cas de données critiques, on pourrait même automatiser la création d’un tunnel SSH pour le transfert, ce que ce dernier (SSH) fait
    très bien.
    M’enfin, je dis ça, je dis rien.

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