Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.

Fallait oser. Oser la loi Hadopi. Oser la coupure de l'Internet sans autorité judiciaire. Tant il est vrai que … que le titre de ce billet.
Que dire de plus que ce qui a déjà été écrit, dessiné, analysé, disséqué, rapporté … au sujet de cet archétype de la Fausse Bonne Idée (FBI) qu'est la loi HADOPI ?? Rien. Juste vous rappeler ou vous faire partager les analyses les plus – à mon sens – pertinentes sur la question.
Et tout d'abord l'image valant à elle seule 1000 mots :
Msg_industrie_divertissement_de_masse

(Source)
Et comme l'humour est le premier des pédagogues et que Brazil est un grand film, il vous faut naturellement voir sourire encore un peu avec ceci :

.

La vraie bonne idée dans tout cela, la seule, elle vient de Jamendo, qui annonce officiellement le "remerciement gradué" et enverra :

  • Premier avertissement : "un mail de remerciement à tout
    internaute qui aura téléchargé un des 200 000 titres disponibles
    gratuitement sur son site. Ce mail incitera l’internaute à partager la
    musique avec ses amis."
  • Deuxième avertissement : "une lettre de remerciement et un
    “kit du complice” constitué d’autocollants et de documentation à ses
    plus fidèles téléchargeurs qui pourront ainsi promouvoir leurs artistes
    et la musique libre."
  • Au bout de trois, on vous offre l'abonnement Internet : "Les multi-récidivistes ne seront pas oubliés : HADOPI veut suspendre
    leur abonnement Internet ? Jamendo le leur rembourse ! En effet, chaque
    internaute ayant réussi à convaincre un lieu public (bar, restaurant,
    …) de devenir un espace de culture libre avec Jamendo PRO, sera remercié par le remboursement d’un mois de son abonnement Internet."


Hadopi comme un symptome.
Celui d'une gouvernance. Une gouvernance malade des lobbys, malade du copinage, malade de l'image du chef et de l'inféodation caporaliste qu'elle fait émerger, malade d'obstination. L'idée fixe comme programme. La méthode F.U.D. comme seul argumentaire. La tableau d'honneur et le benchmarking bidonné comme seule pédagogie. Et l'obstination.

Obstination ad absurdum. Il ne suffit pas …

Il suffit de l'avis d'un ami, il suffit du pouvoir d'un lobby dans lequel on compte quelques amis ou sur lequel on compte bientôt pouvoir compter, pour qu'une ânerie d'alcôve qui n'aurait jamais du dépasser le statut d'éructation de fin de soirée arrosée se trouve propulsée au rang "d'idée de l'année", telle la liberté (de couper) guidant le peuple (malhonnête). Et que dès lors, le gouvernement s'y obstine, s'y englue, s'y enferre, s'y enferme. Sidérant. D'autant plus sidérant que comme le rappelle Ecrans, "Contrairement à ce qui a été voté,
il y a quelques jours par les députés, la CMP a décidé que l’internaute
continuera à payer sa connexion en cas de coupure de son accès à
Internet. Elle a également supprimé l’amendement, déposé par Alain
Suguenot, qui proposait l’amnistie des internautes poursuivis sur des faits remontant à plus de 6 mois.
"

Hadopire. Personne n'a de mots assez durs pour qualifier la caporalisation rampante du net. Alain Suguenot (UMP) dans un email adressé à tous
les députés après l’une des soirées de débat sur la loi HADOPI à
l’assembléee nationale
, écrit ceci : "Ce n’est pas la création que l’on protège. Ce sont les principes généraux du droit qu’on assassine."

Foin de diatribe, un peu d'analyse que diantre ! Soit. Mais d'abord un peu de pédagogie avec ce remarquable "digitalmeme" qui reprend l'historique contextualisé de la loi "création et Internet". Or donc maintenant ainsi avisé, précipitez-vous chez Dominique Lahary, sage et vertueux taulier d'une non moins sage et vertueuse Interassociation qui dit, sur ce sujet comme sur d'autres ou (encore) d'autres d'ailleurs parfaitement connexes, l'essentiel en quelques amendements et communiqués. Précipitez-vous également chez Piotrr, qui devant un projet de loi stalinien, fait très lucidement son auto-critique, et nous convie à signer le pacte des libertés numériques du réseau des pirates. Profitez de vos précédentes précipitations pour vous arrêter un moment chez Philippe Quéau et penser la résistance, celle d'un domicile numérique inviolable

Et puis il y eut le 9 Avril. Le jour des "socialists Ninjas". Compte-rendu de séance sur Pc-Impact. Le 9 Avril au matin, Hadopi est ratifiée par le sénat. Le 9 Avril après-midi, Hadopi est ratiboisée à l'assemblée. Arrêtsurimages raconte : "Adoptée quelques heures plus
tôt par le Sénat, la dernière mouture du projet de loi Création et Internet,
dit "loi Hadopi", a été rejetée sur les bancs de l'Assemblée
nationale, à 21 voix contre et 15 voix pour." Crac. Boum. Hue.

Ninja 

Des députés socialistes planqués derrière une colonne de l'auguste assemblée qui se dévoilent au moment du vote pendant que leurs copains du gouvernement sont en train de s'empiffrer de frites à la cantoche

Fritesalacantoche

Beau comme l'antique et tout à fait conforme aux règles en vigueur dans l'hémicycle (voir les détails chez Maître Eolas). Vivifiant comme l'entrée de Sébastien Chabal en impact player à la fin d'un France-Australie d'anthologie. Roublardise ? Certes. Mais une roublardise qui répond à une forfanterie, celle de l'avant 9 avril, avec une loi votée à la sauvette par 16 députés.

Il y eut donc un avant 9 Avril.

16_gugus_hadopi_assemble_nationale_vote2

Il y aura un après 9 Avril.

Fin_hadopi_small1 

Mais n'allez pas croire que tout est fini. Ces gens-là ont l'obstination chevillée au corps. Prochain épisode le 27 Avril. Dans la coulisse législative, on s'arrête à remettre le couvert, pendant que dans la coulisse des intérêts financiers, l'après-Hadopi se prépare : si la castration numérique s'avère inopérante, ce sera la main au portefeuille, le prélèvement à la source. Mais pour quelle offre ? Pour quels usages ? De tout cela, étrangement, il n'est encore guère question. Cette série de débandades parlementaires n'aura donc pas suffit à signer la mort politique de la loi Hadopi. Le plus grave est que quelque soit l'issue parlementaire finale (on peut hélas supposer que les "Government Texas Rangers" ne se laisseront pas (sur)prendre une deuxième fois par les Socialists Ninjas), quelle que soit cette issue donc, le projet politique de l'Hadopi restera comme le stigmate d'un profond divorce. "Si la démocratie étatique ne s'accomode pas d'Internet, l'Internet démocratique se fera sans l'Etat."

Maintenant, et comme le rappelle Lionel Maurel, "il s’agit pour tous les acteurs intéressés d’en tirer la leçon et de
construire de nouvelles solutions, par le jeu des contrats, sans plus
attendre l’arrivée d’un Godot législatif qui ne viendra pas.
"

<Update du lendemain> Voir également l'excellent billet de Maître Eolas qui, après en avoir remis une couche sur le grand bazar législatif répressif engendré par l'application de la loi, pointe le fait que le vrai danger ne vient pas tant de l'Hadopi que de la CPD, la Commission de Protection des Droits. </Update>

(Temps de rédaction de ce billet : 4 heures // Sources : sous les liens)

6 commentaires pour “Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.

  1. 1- D’un côté, nous avons une industrie culturelle déclinante n’assumant pas le proxénétisme économique et la pandémie infantilisante qu’elle exerce sous le regard de son débiteur. Celui-ci est à la fois une fondation philanthrope de gestion nationale et une entreprise d’import/export.
    2- De l’autre côté, nous avons une infinité de niches de population n’ayant rien à voir les unes avec les autres, mais faisant front par principe de précaution. Nous prouvant par la même occasion à quel niveau de léthargie se trouvent nos sociétés occidentales pour qu’un luxe devienne une lutte nécessaire.
    3- Au centre, se trouve le gros du troupeau qui n’a pas d’avis et fait preuve d’intelligence situationniste ou d’indifférence banale sur ce combat qui est à la fois d’avant-garde et d’arrière-cour.
    4- Dans toutes les batailles, il y a des pertes acceptables. Mais comme nous ne prenons plus plaisir à nous salir les mains avec une de ces barbaries ancestrales, les invectives servent de nos jours de courroux médiatique ou de Hit Combo virtuel pour le bonheur des voyeurs générationnels et des lâches éternels.
    5- Quand on pratique l’affrontement constant ou la paix commémorative pour occuper son temps, c’est que l’on est plus en mouvement. Alors la guerre civile des flux a-t-elle un sens ?
    La suite ici :
    http://souklaye.wordpress.com/2009/03/13/creation-internet-et-insultes-gratuites/

  2. Bonjour, merci pour votre billet.
    Je suis pour ma part de plus en plus circonspect quant aux effets délétères réels d’HADOPI. En effet, cette usine à gaz me semble de moins en moins redoutable. Je m’explique …
    1) Le dispositif, nous le savons bien, ne fonctionnera jamais proprement : recours divers et variés, retard dû aux problèmes de faisabilité, FAI qui traînent des pieds, quelques scandales bien sentis dans la presse de lignes piratées et d’erreurs en tout genre sur toile de fond de désapprobation de l’UE … Tout cela suffira à faire d’HADOPI une coquille vide.
    A tel point qu’il me semble que la coûteuse HADOPI va surtout poser des problèmes aux gouvernement.
    2) Les techniques de piratage alternatives fonctionnent déjà techniquement (P2P crypté, par exemple avec Stealthnet) et sont pour certaines déjà à la mode (streaming vidéo / audio avec récupération des fichiers en prime)
    Dès lors, les lobbies auxquels, vous l’avez bien noté, le PdR ne fait que rembourser les investissements consentis durant les campagnes présidentielles (2007 et, par anticipation, 2012) vont bientôt comprendre que le piratage continue et qu’en plus ils ont désormais une image désastreuse sur la toile.
    Au fond, c’est à se demander si HADOPI ne va pas simplement accélérer la migration vers des technologies plus pratiques (le streaming, au fond, c’est voir son film sans attendre qu’il soit téléchargé). Elle va ruiner la réputation des majors qui ne méritent que cela. Elle va accentuer l’image antidémocratique de ce gouvernement (qui n’en avait franchement pas besoin). Elle entraînera des difficultés d’ordre local pour les députés qui auront cautionné cette loi scélérate.
    Non, vraiment, je redoute de moins en moins HADOPI, si ce n’est pour la poignée de malchanceux peu familiers d’Internet qui auront la déveine de voir leur connexion coupée afin de faire des exemples.
    En revanche, beaucoup considèrent qu’HADOPI est un prélude à une prise en main bien plus dangereuse du réseau. Ont-ils raison ?

  3. C’est un immense plaisir que de vous retrouver sur la toile. Cet article est de loin le meilleur que j’ai lu sur le sujet et, comble du luxe, je le partage a tous points de vue.
    Vous nous aviez manqué !.

  4. @ citron, j’aurais dû prendre le temps de lire votre commentaire avant de répondre moi même !
    Votre point de vue est tout a fait pertinent mais, me semble-t-il, assez complementaire de l’article. En effet, la question que vous posez a la fin de votre réaction est -malheureusement- tout a fait d’actualité, au-delà de ce qui est présente ici.
    A nous d’être vigilant -ou d’espérer un miracle-…

  5. Je crois que le plus désolant ce n’est pas seulement cette loi. C’est surtout qu’elle va contre une réalité simple et tangible.
    Comment peut-on vendre des CD à des gens qui n’ont plus de lecteur de CD ?
    C’est une question bête, simple et évidente. Quand on n’a plus que des lecteurs MP3, qu’on a pris l’habitude de se balader avec sa discothèque dans cent grammes d’électronique, franchement les CDs en tant que support c’est mort. Je ne vois pas quelle loi va pouvoir les maintenir encore longtemps sous oxygène.
    Nous avions besoin d’une industrie du disque parce que fabriquer et diffuser des disques était une opération industrielle lourde qui exigeait de gros investissements à l’origine. Aujourd’hui, la diffusion de musique n’a plus besoin d’industrie lourde, elle n’a même plus besoin d’industrie tout court.
    Resquiat in Pace

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