Symptome ou maladie ?

Message récupéré sur une liste de diffusion professionnelle de bibliothécaires (pas biblio-fr, une autre, à l’étranger). Le message est un peu long mais il mérite une lecture attentive tant il exemplifie le malaise et/ou le décalage d’une (partie) de la profession des bibliothécaires. Mes commentaires (à chaud, donc un peu sarcastiques et navrés …) sont insérés en gras et en rouge.

  • "J’ai constaté depuis quelques mois que je recevais de plus en plus de mails voire d’appels téléphoniques de gens qui avaient trouvé la référence de documents figurant dans le catalogue de notre bibliothèque. Serait-ce une mauvaise chose ?? Certains souhaitaient pouvoir emprunter ces documents, d’autres étaient des auteurs demandant qui une correction dans la notice, qui proposant l’acquisition de leur dernière publication… D’autres encore étaient des journalistes, des formateurs, etc. Bigre ! Horreur ! Du public ! Des usagers !!!
    Une collègue m’a informé – d’où l’urgence absolue de la formation des bibliothécaires pour éviter le syndrôme de la formation par "on-dit" – qu’on pouvait très facilement chercher un ouvrage directement sur Google, en "recherche simple", et que les réponses incluaient des catalogues de bibliothèques possédant l’ouvrage (affichage de la notice). J’ai testé l’opération avec qques ouvrages que nous avons au catalogue, et j’ai effectivement eu des réponses incluant la notice de mon catalogue, ce qui je trouve fâcheux… – vous noterez le possessif "mon" devant catalogue … plus sérieusement, l’ouverture des catalogues (ne parle-t-on pas d’"OPAC", open PUBLIC access catalogue") est une problématique clé sont trop peu de bibliothèques se sont saisies avant que les grands indexeurs ne la rendent opératoire, emportant avec eux l’adhésion du public, tant cette ouverture des données correspond à un besoin et à une attente.
    Quelques dangers de cette situation (et il y en a sûrement d’autres auxquels je n’ai pas pensé) la paranoïa est une composante élémentaire de la psychologie du bibliothécaire :
    – Être submergé de requêtes ben oui, déjà qu’on va voir arriver de nouveaux usagers, si en plus ils ont des questions …
    – Être harcelé par divers demandeurs inistants (sic) car c’est bien connu l’usager-demandeur est insistant, et en bibliothèque, insister, c’est du harcèlement
    – Le catalogue étant "transparent", les auteurs de vols tels que celui dont nous avions été victimes il y a quelques années trouveront d’autant plus facilement ce qu’ils cherchent, si les ouvrages sont en
    libre-accès, s’ils sont empruntés. Autre genre de vol pouvant se dérouler: les ouvrages en libre-accès qui sont épuisés en librairie et chez l’éditeur, difficiles à trouver, même sur Internet: on viendra nous les voler en biblilothèque, surtout dans celles non équipées de systèmes anti-vol
    comme la nôtre. Ne pourrait-on pas imaginer que l’usager-harceleur ne vienne simplement les lire ??
    Vous pouvez faire le test suivant: vous tappez sur Google (en recherche simple) "site:" immédiatement suivi par l’adresse de votre catalogue, sans le "http://www", et sans saisir d’espaces. De cette manière, Google fera une recherche sur ce qu’il possède de votre base
    de données dans sa propre base de données. Il affichera ce qu’il a trouvé comme nombre de notices dans votre catalogue. Ce chiffre sera faux, mais en général supérieur à très supérieur au nombre réel de notices que vous avez. Cela indique toutes les personnes qui ont obtenu des réponses à leur recherche incluant une notice de votre catalogue, les notices ayant été enregistrées à plusieurs reprises dans la "base de données planétaire" de Google.
    Est-ce que vous avez déjà été confrontés à cette situation ? Comment y répondez-vous, comment y faites-vous face ? Avez-vous eu des problèmes ? Prêtez-vous des documents à des lecteurs venant "d’ailleurs" et qui vous demandent par mail un prêt ? Ami lecteur qui vien d’ailleurs, retournes-y.
    Vos institutions qui le souhaitent ont-t-elles trouvé des mesures pour "protéger" leur catalogue de l’indexation que Google en fait, même si l’on n’a pas passé d’accord avec le moteur de recherche ? Où l’on retrouve exemplifiée la maxime : "leur thésaurus (aux moteurs de recherche) est un thesaurus" (plus d’info par ici). De fait, il suffit aux robots de Google d’accéder à une notice, pour, par le biais des fichiers liés et des hyperliens, arriver à "pomper", à récupérer et indexer une bonne partie d’un catalogue.
    "

Alors ? Symptome d’une profession qui ne maîtrise plus la logique d’accès et de service qui fait pourtant son coeur de métier ? Simple angoisse crispée et paranoïaque due à une méconnaissance profonde des enjeux ? Le message d’un seul ne saurait avoir valeur d’exemple pour l’ensemble d’une profession, mais comme je m’en suis fait l’écho à de nombreuses reprises, ma pratique de formateur (dans le monde des bibliothèques et de la documentation) m’incline à penser que la fracture numérique se creuse. Que faute d’être formés aux outils, les professionnels des bibliothèques s’avèrent incapables de les penser en dehors des cadres et shémas préétablis d’une logique bibliothéconomique inflexible et datée, à l’heure de la refonte planétaire d’une bibliothéconomie de masse. Et que laisser perdurer cette incompréhension, c’est le plus mauvais service à rendre à une profession qui si elle n’investit pas massivement le transformation en cours, ne verra jamais se réaliser son rêve d’archithèque et laissera dériver ses usagers autarcithécaires.

16 commentaires pour “Symptome ou maladie ?

  1. J’ai aussi tiqué à la lecture de ce message, notamment parce que les risques que provoquerait une “trop” grande ouverture des données me semblent exister avec n’importe quel OPAC.
    Mais pour remettre le message dans son contexte, il faut noter que son auteur travaille dans une bibliothèque de lycée, dont la vocation n’est peut-être pas de s’adresser à un public très étendu.

  2. Le problème c’est qu’il y a encore très peu de catalogue de bibliothèque indexables en url fixes par Google. D’où la sureprésentation de ceux qui le sont.

  3. Il m’a fallu relire une 2e fois le texte car j’ai cru que vous aviez dérivé et que vos commentaires étaient aussi en italique ! : “Être harcelé par divers demandeurs insistants” on a du mal à y croire !

  4. Franchement, cette peur est la même que celle de personnes menacées par une trop grande diffusion de l’information en entreprise, ces petits chefs qui ne vivent que par l’avantage “concurrentiel” que permet leur position hiérarchique : celui d’avoir le contrôle de certaines informations et leur diffusion. La personne qui a rédigé le message a peur car elle ne maîtrise plus l’accès à l’information. Quand elle aura compris que son rôle est indispensable pour guider les gens dans la masse des informations à leur disposition, ça ira mieux.
    On note au passage un petit sentiment anti-Google de base, alimenté par la rumeur et la peur du “grand ordinateur”

  5. Difficile en effet de réagir à un propos isolé. Malaise, décalage, fracture culturelle, déni, méconnaissance ? Je ne sais comment qualifier cette distance que j’observe tous les jours dans mes (de moins en moins nombreux) échanges professionnels avec mes homologues. Le terme d’incompréhension est celui qui me vient à l’esprit, non pas incompréhension de certains envers les mutations en cours (quoique) mais incompréhension à l’égard de ceux qui s’y intéressent, s’interrogent, expérimentent, se projettent… et cherchent un minimum à penser, sans prétention aucune et même mal, les évolutions des bibliothèques. Finalement, on se contente d’ouvrir les fenêtres lors des journées d’étude et des congrès professionnels, de se faire peur en s’y penchant pour les refermer très vite et revenir aux fondamentaux : penser les fonctions, les structures et les statuts… Je ne sais où tout cela nous mène mais ce qui est sûr, c’est qu’en ignorant voire refusant les modèles et la temporalité imposés par le net, sous différent motifs d’ailleurs (problème de moyens, de compétences, d’acceptation par les agents, de légitimité par rapport à nos missions…) on se condamne à n’y jouer aucun rôle ! C’est peut-être ce que nous voulons…

  6. Commentaire (à chaud également, je réfléchirai plus ce soir !) : il existe un moyen très simple d’empêcher Google de passer (ou de le forcer à repasser plus souvent, c’est selon les besoins), c’est le fichier robot.txt, qu’en principe tout bon informaticien doit connaître. Comme l’OPAC de cette bibliothèque ne s’est pas mis tout seul sur le Net, il y a bien quelqu’un de qualifié qui s’en est chargé…
    A mon humble avis, si la formation aux TIC est effectivement un enjeu important, il se pose aussi la question (liée) de la communication (et surtout de la compréhension !) entre services informatiques et professionnels de l’info-doc. On peut se demander en effet s’il y a eu cahier des charges au démarrage du projet, ou ne serait-ce que quelques réunions de travail. On peut aussi se demander quelle est la demande de départ. Et d’où vient-elle ? On a en effet l’impression que cette bibliothèque (ou au moins cette bibliothécaire) n’a pas été associée au déploiement de l’outil informatique, et qu’elle le subit plus qu’elle n’en tire bénéfice.

  7. Petit guide pour être à l’abri :
    1. S’introduire de nuit dans la seule salle toujours ventilée du site où l’on travaille : il s’agit sans doute de la salle des serveurs
    2. Repérer le gros cable noir qui va des serveurs aux prises électriques
    3. Tirer sur le fil d’un coup sec
    Voilà. Le bonheur, c’est simple comme un fil arraché…

  8. Souslapoussière> Certes c’est un bibliothécaire travaillant dans un lycée … ce qui n’enlève rien au décalage affiché …
    OlivierTacheau> Tout pareil 🙂
    Aurélie> Exact. L’auteur du billet en question est d’ailleurs en train de se faire (gentiment) allumer sur la liste de diffusion, chacun lui rappelant l’usage du ficher Robots.txt (etre autres politesses)
    DidierBourrion> J’adore cette approche de la bibliothéconomie numérique façon commando.

  9. Ce message est proprement hilarant. Je ne reviendrais pas sur la situation “facheuse” d’avoir une visibilité efficace sur le Net (ah, si notre catalogue pouvait en faire autant…), mais je rigole encore plus en lisant ceci :
    ” on viendra nous les voler en biblilothèque, surtout dans celles non équipées de systèmes anti-vol comme la nôtre.”
    C’est sympa de prévenir les futurs voleurs à l’étalage de ce petit détail, mille mercis !

  10. C’est hallucinant ce msg… mais finalement on (le fameux on dit) en connait tous des collègues comme cela. Et, elle, elle l’écrit. Il y a du travail !
    Silence

  11. Je me réjouis de lire tous ces commentaires. Je travaille depuis une année avec une semblable illettrée de l’informatique, à qui on ne peut rien dire sans qu’elle se braque, et qui sans un pli, elle paniquerait pareillement dans une telle situation.
    Paniquer, ce n’est rien, si après on ose se remettre en question. Après 10 ans, ça devient un effort sisyphien, et je crains que ça n’arrive que de manière contrainte et forcée. Aïe aïe aïe !

  12. La personne qui a écrit le mail n’est pas une bibliothécaire mais… un bibliothécaire. Vraiment les clichés ont la vie dure !

  13. Je passe mon temps à imaginer des chose journellement juste pour fuir une vie qui me semble trop monotone mais ces imagination deviènne petit à petit réalité

  14. Je passe mon temps à imaginer des chose pour fuir une vie trop monotone mais ces imagination me semble petit réel c’est à dire que j’ai du mal la distinguer avec la fiction.

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