Téléportation “n -1” et synchronisation cardinale.

Je voudrais revenir rapidement sur deux des derniers billets publiés sur le blog officiel de Google.

  • Le premier annonce une fonctionnalité dénommée "téléportation" (on reconnaîtra là le goût et le talent prononcé de Google pour le marketing). Il s’agit en fait de l’opérateur classique de recherche à l’intérieur d’un site (opérateur "site:"), opérateur qui remporte toujours un franc-succès quand je le présente à mes étudiants comme un "moteur embarqué" permettant de fouiller n’importe quel site. Google vient donc de rendre possible cette interrogation, directement depuis la page de résultats, via l’apparition d’une fenêtre de recherche ("compobox") dédiée juste en dessous de la mention du site. L’air de rien, cette fonctionnalité renforce l’effet de stagnation qui maintient les utilisateurs un temps de plus sur le site Google, retardant d’autant leur arrivée sur le site cible. L’enjeu est évidemment  d’entretenir l’économie de l’attention qui est d’autant plus "rentable" pur le moteur si l’utilisateur reste dans son giron/cocon le plus longtemps possible.
  • Search_subset_2
  • le deuxième billet annonce ce que j’ai déjà présenté comme la quatrième étape de la dérive des continents documentaires, c’est à dire la mise en place d’une synchronisation transparente entre nos activités informationnelles connectées (on-line) et déconnectées (off-line). C’est sur Google Calendar que (dans un premier temps) cette fonctionnalité vient s’ajouter. Concrètement cela ne semble pas tonitruant : il s’agit de pouvoir synchroniser Google Calendar avec Microsoft Outlook … et réciproquement. Techniquement, c’est une (petite) révolution dans le domaine de la cardinalité des applications web (dont Google Gears avait annoncé les prémisses). Dans le jargon informatique, la cardinalité désigne : "le nombre minimum et maximum de possibilités que chaque classe contient dans la relation liant 2 ou plusieurs objets." (Wikipédia) Je m’étais longuement intéressé au problème de la cardinalité des liens hypertextes dans le cadre de ma thèse. Il s’agissait dans ce cadre de "la possibilité d’établir des liens hypertextuels non plus mono-directionnels mais multi-directionnels (depuis un ou plusieurs documents, vers un ou plusieurs autres), leurs ancres faisant alors office de pivot, de point central." La cardinalité des liens est un problème crucial qui traverse toute la littérature scientifique sur l’hypertexte. Elle est un peu l’alpha et l’oméga d’un très vaste ensemble de problématiques liées, dont celle du versioning ("Le versioning désigne l’ensemble des manières de gérer, indépendamment de tout niveau d’échelle, les procédures permettant de rattacher différentes versions d’un même document à un (des) auteur(s), tout en permettant à chacun de s’approprier tout ou partie des documents produits par d’autres ou par eux-mêmes, et en assurant un suivi des différentes modifications apportées.") Bref bref bref, je vais pas vous refaire ma thèse dans un billet de blog (s’il y a des amateurs, elle est disponible ici). Donc Google vient de proposer à la synchronisation de nos activités connectées et déconnectées, une cardinalité nouvelle.

Moralité ?
ESPACE.
Après avoir (avec d’autres) fusionné l’ensemble des données publiques, privées et intimes en une sphère d’indexabilité unique (dérive des continents documentaires), contribuant ainsi (et via ses ambitions génomiques) comme aucun autre à l’émergence d’une problématique nouvelle (indexabilité de l’humain), cet effort redoublé pour accroître la cardinalité de nos rapports (sychrones ou asynchrones) à l’information lui permet de s’attaquer à la question centrale … du TEMPS.
CQFD. Espace-temps. En se rendant progressivement maître de notre espace-temps numérique, l’utilisation du terme "téléportation" par Google n’est peut-être pas simplement une figure de style …

3 commentaires pour “Téléportation “n -1” et synchronisation cardinale.

  1. Bonjour,
    Merci pour ces infos.
    A noter que cette “téléportation” ne semble apparaître pour l’instant que sur la version en anglais de Google et non sur la française.

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